Le Traitement : Écran de fumée
Scène

Le Traitement : Écran de fumée

Avec Le Traitement, Martin Crimp et Claude Poissant jettent un regard implacable sur une époque dont la soif de réel paraît inassouvissable.

Ces jours-ci, le Théâtre PàP occupe de nouveau l’affiche de l’Espace GO avec Le Traitement, une pièce du Britannique Martin Crimp dont Claude Poissant signait la mise en scène en mai dernier dans le cadre du Festival de théâtre des Amériques. Un texte percutant, une distribution sans faille, un environnement scénique fascinant et une rigoureuse direction d’acteur, que peut-on demander de plus?

Le traitement en question, c’est celui que certains fabricants de cinéma (à sensation, est-il besoin de le préciser?) font subir à l’information, à la vérité, aux confessions et au réel – tout en se targuant d’en faire de l’art. Dans l’industrie cinématographique, l’expression "traitement" désigne les étapes du développement d’un synopsis. Pour mettre la main sur le détail spectaculaire ou l’intrigue racoleuse, tous les moyens semblent bons, même les plus odieux. Pour extirper l’histoire de Anne (Catherine Trudeau), Andrew (Peter Batakliev) et Jennifer (Violette Chauveau), deux producteurs en panne de matière première à travestir, engagent cette jeune femme victime de la violence de son mari, Simon (Francis Ducharme). À leur contact, la "muse" s’enfoncera dans une misère plus insondable encore que celle d’où elle provient.

La représentation s’avance comme un ballet, une gestuelle machiavélique exécutée avec précision sur un plancher reluisant. En fond de scène, Jean Bard a dressé une forêt de poteaux dont la verticalité évoque les gratte-ciel de Manhattan, les arbres de Central Park ou les structures qui séparent les voies du métro de New York. Quand les lumières transversales d’Éric Champoux s’y immiscent, les lieux défilent sous nos yeux. Manipulant avec vigueur les accessoires essentiels de Mathieu Giguère, Félix Beaulieu-Duchesneau est le grand manitou de cette frénésie urbaine – celle dont les chorégraphies de Dave St-Pierre et les musiques de Nicolas Basque cristallisent tout le vertige. Claude Poissant signe un spectacle mémorable. Sa mise en scène, loin d’épuiser ou de limiter le sens de la pièce, laisse ses formules cinglantes faire en nous leur nécessaire chemin.

Jusqu’au 3 décembre
Au Théâtre Espace GO
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