Antigone : Noirs destins
Scène

Antigone : Noirs destins

L’Antigone du TNM, mise en scène par Lorraine Pintal et traduite par Marie-Claire Blais, propose une lecture sobre et actuelle de la tragédie de Sophocle.

Plusieurs Antigone ont vu le jour depuis sa création par Sophocle, environ 440 ans av. J.-C. Racine, Hölderlin, Cocteau et Brecht, entre autres, ont prêté leur plume aux traits de ce personnage mythique, né de l’inceste d’OEdipe et de Jocaste. Chacun a tenté de s’approprier cette femme, qui fut murée vivante, afin de faire la lumière sur un angle singulier de son profil. Elle refusait le désir sexuel comme elle aiguisait une idée infernale de la justice, entretenait des certitudes morales ainsi qu’un engagement fatal envers la famille. Parce qu’elle bravera les ordres de son oncle Créon en offrant une sépulture à son frère Polynice, perçu par l’oncle comme un traître à la patrie, Antigone se trouvera condamnée.

Les êtres en conflit sont ici redessinés par la traduction et l’adaptation de l’Irlandais Seamus Heany, qui eut l’idée de reprendre la tragédie grecque en 2003, à la suite de la promotion de la guerre en Irak par l’administration Bush. Des parallèles se sont tissés entre la tyrannie de Créon et l’attitude offensive de nos voisins du sud ("ne pas être contre eux, c’est être avec eux"). La metteure en scène Lorraine Pintal a fait appel à Marie-Claire Blais pour traduire le travail de Heany. Le texte est sobre et efficace, et quelques tirades retiennent l’attention par leur précision, leur beauté et leur pertinence. Le tout se déroule dans une ambiance plutôt intemporelle, entre autres à cause des clins d’œil au monde contemporain, mais surtout grâce à cette langue sobre qui permet une approche somme toute naturelle, sans postures amidonnées.

Malgré les bons coups – la qualité de la langue, le décor de Carl Fillion (simple, mais permettant de jouer avec tous les sens de l’aspect magistral), le jeu des comédiens -, l’ensemble manque de relief. Rares sont les moments éclatants, même si le texte contient quelques bijoux. Peut-être avons-nous craint de troubler l’équilibre du propos en surlignant quelques passages, ne serait-ce que par un jeu d’éclairage. La sobriété, c’est bien, mais la timidité a ses limites. Soulignons, outre la justesse de Jacinthe Laguë (Antigone), le travail de ceux qui passaient trop rapidement sur la scène, comme Éric Paulhus et Roger Léger.

Jusqu’au 17 décembre
Au Théâtre du Nouveau Monde
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