Contes urbains : La vérité si je mens
Scène

Contes urbains : La vérité si je mens

À l’approche de Noël, c’est le retour des Contes urbains à la Licorne. Yvan Bienvenue nous présente la mouture 2005.

Reconnue pour son côté joyeusement grivois, la soirée des Contes urbains présente depuis maintenant 11 ans sa série d’histoires inspirées de la vie citadine. "Cette année, nous revenons au thème du temps des Fêtes, explique l’auteur et éditeur Yvan Bienvenue. Toutes les histoires sont construites à partir de ce thème et doivent bien sûr être en lien avec une ville."

Le fondateur des Contes urbains signe cette année deux contes qu’interpréteront Stéphane Jacques et Martine Francke. L’un de ces récits s’inspire d’ailleurs d’un texte présenté en 1995. "C’est l’histoire d’un gars assis au Burger King au coin de la rue Ste-Catherine et qui regarde un transsexuel faire des coucous à un bébé en face. En voulant protéger la mère qui s’avance dans la rue, il se fera happer par une voiture. Il y a bien sûr là-dedans une réflexion sur le temps des Fêtes mais aussi sur ce qui nous raccroche aux valeurs."

L’auteur qualifie son deuxième texte de spirituel. "Je suis athée, alors la notion de spiritualité ne renvoie pas à la religion pour moi. Mais j’ai voulu parler de ces choses qui nous dépassent. À Québec, sur le boulevard Charest, près de la gare, il y a des piliers en ciment sur lesquels on a peint des fresques et l’une d’entre elles illustre une cathédrale. J’ai imaginé que l’âme d’une accidentée de la route avait trouvé refuge dans le personnage de cette fresque." Ce conte, raconté en anglais à Québec lors d’une soirée organisée par la CBC, sera entendu pour la première fois en français. "Il y a longtemps que cette idée me trottait dans la tête, l’idée d’une âme prisonnière dans un poteau à la suite d’un accident."

Parmi les autres participants, l’acteur et auteur Justin Laramée s’attarde sur les tribulations typiques de la jeunesse. "C’est l’histoire d’un garçon qui, pour fuir sa famille, décide d’aller vendre des sapins de Noël à New York. Mais ce jeune, au lieu de s’éloigner, s’approchera de son passé pour mieux le voir disparaître." Le texte d’Olivier Choinière, raconté par Éric Forget, donne la parole à un squatteur qui s’interroge sur le lien qu’il entretient avec son chien. Le jeune homme en viendra à la conclusion qu’il appartient peut-être davantage au chien que l’inverse. Enfin, le texte de Michel Faubert, conteur bien connu des soirées de contes traditionnels, relate l’histoire d’un homme qui décide de se sauver des soupers de famille en se réfugiant dans le bois. Un récit raconté ici par Rémi-Pierre Paquin.

Le conte le plus cru (car il y en a toujours un) est né cette année de la plume de l’auteur et acteur Fabien Cloutier. Il raconte le périple à Montréal de deux jeunes hommes habitant une ville éloignée. "C’est à mon avis le seul texte volontairement comique de la soirée, confie Bienvenue. Et contrairement à ce que l’on pourrait penser, c’est dans ce conte que l’on retrouve le plus la tradition orale. À part la langue qui porte une urbanité, nous sommes ici très proche du folklore. Il y a le diable, une présence du surnaturel. Le traitement rappelle les contes et légendes traditionnels."

PIEUX MENSONGES

Avec l’engouement actuel pour la littérature orale (pensons au spoken word ou encore à l’émergence du beat poésie), le conte se voit lui aussi de plus en plus métissé. "Les soirées de contes traditionnels deviennent parfois théâtrales, alors il est maintenant difficile de déterminer en quoi les contes urbains sont différents, à part le fait que les histoires soient urbaines et non rurales, note Bienvenue. Pour le reste, nous demandons à un auteur d’écrire une histoire qu’un acteur apprendra dans son intégralité et livrera sur scène. Nous sommes au théâtre, nous faisons une conception d’éclairage et sonore, il y a une scène. Où nous pouvons dire qu’il s’agit bel et bien de contes, c’est qu’il n’y a pas de quatrième mur. Il y a un contact direct avec le public."

Par ailleurs, Yvan Bienvenue ne semble pas regretter la marginalité des débuts des contes urbains, bien au contraire. Il se réjouit plutôt de la santé de la littérature orale dans notre société. "La conterie, c’est le plaisir de raconter des histoires. Que ce soit pour gronder, faire rire ou faire peur. C’est le bonheur de dire des menteries. Au contraire du mensonge, qui est un geste égoïste, la menterie est un échange complice. Un moment privilégié."

Du 6 au 17 décembre
Au Théâtre La Licorne
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