Le Voyage d'Amundsen : Déboussolé
Scène

Le Voyage d’Amundsen : Déboussolé

Avec Le Voyage d’Amundsen, le Groupe de poésie moderne crée une pièce sur les besoins de partir et de renaître. Entrevue avec le metteur en scène, Robert Reid.

"On s’approprie l’histoire de Roal Amundsen, nous dit Robert Reid, comme on s’approprie le personnage, non pas pour le raconter tel qu’il a existé historiquement parlant, mais bien pour raconter une histoire de quelqu’un qui langui de partir et qui, pour différentes raisons, ne part pas et ne partira jamais."

Le véritable Roal Amundsen (1872-1928) était un explorateur et un héros norvégien qui a traversé le Groenland à skis, la France, à bicyclette, et il serait le premier à avoir posé les pieds au Pôle Sud. À partir d’une nouvelle écrite autour de ce personnage, le Groupe a bâti un spectacle qui cerne le thème du voyage par des questions sur la fuite, sur le deuil d’un certain passé qui nous possède, qui nous ancre, ainsi que sur le fait de s’ouvrir à l’inconnu, de se permettre une renaissance. "Il y a, dans cette histoire, une langueur et une mélancolie qu’on a essayé d’approfondir à notre façon, non comme Tchékhov l’a fait, mais avec nos outils et notre langue à nous, celle du Gpm."

Le groupe a toujours eu comme désirs et impératifs d’explorer la langue, les mots et les sons. Avec Le Voyage d’Amundsen, c’est l’occasion d’approfondir une forme plus longue (par rapport aux poèmes et courts textes du passé) et d’en investir les différentes résonances et ses nouveaux échos de sens. "Le spectacle est en deux parties. La première raconte la nouvelle, et la deuxième est une reprise de la nouvelle truffée de digressions. On redit la même chose en entrant dans les fissures du texte, dans les zones de lumière, dans les zones d’ombre."

Pour ceux qui craignent la poésie comme d’autres le feu, sachez que le Groupe offre peut-être des spectacles de forme inclassable, mais il s’agit bien d’une pièce: "Notre défi est de composer avec un long texte d’une heure dans le ton du Groupe de poésie moderne. On souhaite donc que les ingrédients restent, c’est-à-dire la façon de dire, le choix de la langue et l’émoi", mais il s’agit d’un objet théâtral, non d’un poème. À ses débuts, par contre, le Groupe faisait essentiellement des lectures de poésie, mais le temps passant, et avec Robert Reid qui agit depuis maintenant 12 ans comme metteur en scène attitré, le Groupe a naturellement glissé vers un autre genre: "À cause de ma formation et du milieu d’où je viens, on a tranquillement commencé à travailler sur des formes plus longues. Et là, une forme théâtrale s’est imposée, une forme hybride." Mais que reste-t-il de la poésie? "Il y a toujours le même mélange: une part de ludique et une part très travaillée au niveau de l’exécution. Notre but est d’amener la forme poétique à quelque chose de maîtrisée, voire même de virtuose, et ça demande donc un certain type de travail. Ce qui est différent avec cette pièce, c’est plutôt l’atmosphère, qui possède même une touche de mélancolie."

Si la collaboration entre le metteur en scène et le groupe dure depuis 1993, ils continuent à explorer et à bousculer la machine: "Au tout début, on a évidemment fait les erreurs nécessaires en jouant trop les personnages (au point de perdre le texte) et puis on est retournés au caractère littéraire, au texte, à la lettre, à sa rythmique, et là c’était très aride. Ça nous a pris un certain temps avant de trouver la façon d’approcher les textes et de les jouer. Encore aujourd’hui, parce que l’écriture de Benoît Paiement et de Bernard Dion évolue, certains textes nous posent encore des questions, à savoir comment les amener sur scène."

Après le succès du Boson de Higgs, le Groupe semble décidé à affronter de nouvelles formes tout en demeurant le même. Pas question de stagner, comme en témoigne cette invitation au voyage.

Du 6 au 17 décembre
Au Studio Hydro-Québec du Monument-National
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