Wigwam : Pièces d'identité
Scène

Wigwam : Pièces d’identité

Avec la pièce pour enfants Wigwam, Jean-Frédéric Messier poursuit son exploration dans les divers sentiers de l’imaginaire.

La Maison Théâtre propose aux adultes un bien beau cadeau à donner aux enfants durant la période des Fêtes. La pièce Wigwam, qui s’est vu décerner le Prix de la critique 2005, offre la possibilité aux enfants de quatre à huit ans de plonger dans l’univers de la petite Nanabush par l’intermédiaire de la mythologie amérindienne.

Nanabush veut devenir grande. Pour ce faire, elle doit assumer seule la tâche de défendre le wigwam contre les étrangers. Surmontant ses peurs, elle fera des rencontres inattendues et découvrira des secrets insoupçonnés sur la vie.

L’auteur et metteur en scène Jean-Frédéric Messier partage avec nous depuis maintenant quelques années son intérêt pour les cultures autochtones. "C’est mon métier d’être en rapport avec l’imaginaire, explique-t-il simplement. Et l’outil fondateur de l’imaginaire, c’est la mythologie. Elle détermine beaucoup de choses sur qui nous sommes et comment nous nous comportons dans notre environnement. La culture autochtone est un terrain de jeu formidable, car nous avons le nez dedans et pourtant nous ne la connaissons pas."

Difficile en effet de nier que la mythologie grecque ou encore les mythes religieux du christianisme appartiennent à des cultures qui ne connaissent pas la neige. "Dans la mythologie autochtone, il y a des choses qui spontanément m’interpellent, poursuit Messier. Et puis, le rapport de l’être humain avec la nature n’y est pas narcissique. Dans ces cultures, l’être humain n’est pas sur le dessus d’une montagne avec tout le reste du monde comme un vaste Wal-Mart pour le servir."

Celui qu’on a un jour appelé l’enfant terrible du milieu théâtral reste donc critique envers notre société. On retrouve dans Wigwam sa préoccupation pour les rites collectifs alors qu’il illustre ici le passage de la petite enfance à l’autonomie de l’enfance. "Quand on est proche d’un enfant, on remarque ces passages qui passent inaperçus pour les autres, explique l’auteur, père d’un garçon de cinq ans. C’est d’ailleurs mon fils qui m’a rappelé ce désir d’être un grand. Il y a beaucoup de cultures pour qui les étapes sont importantes. Pour notre part, je trouve que nous sommes malheureusement dépourvus de rites de passage. Pourtant, des transitions s’imposent à chacun de nous au cours de notre vie."

Outre la pièce pour adolescents Au moment de sa disparition (Masque du meilleur texte 2003), Jean-Frédéric Messier signe ici son troisième texte pour enfants après Un éléphant dans le cœur et Partie de quilles chez la reine de cœur. Il signe également ici la mise en scène. "Je ne m’attendais pas à me sentir aussi bien dans cet univers, confie-t-il au sujet du théâtre pour jeune public. J’y ai pourtant trouvé un territoire qui me convient complètement. Je me sens plus libre qu’ailleurs, car l’imaginaire y est toujours bienvenu. Quand j’ai commencé à faire du théâtre, c’était pour changer le monde et honnêtement, je me suis découragé avec les adultes, avoue Messier, rieur. Je vais donc à la source. J’aime participer à la construction de l’imaginaire de ceux qui nous suivent."

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MON PAYS, C’EST L’HIVER

Nanabush en a assez d’être petite. Trop jeune pour chasser, elle est néanmoins assez grande cette année pour se rendre sur les territoires. Sur place, elle devra protéger seule le wigwam, épreuve qui la confrontera à ses limites.

Véritable enchantement du début à la fin (la représentation dure environ 50 minutes), Wigwam installe dès le départ une connivence avec son jeune public. Messier a judicieusement choisi de puiser à même les forces de la représentation. La comédienne Valérie Descheneaux (Nanabush) sait retenir l’attention des petits spectateurs, partageant avec tendresse les interrogations de son personnage et récoltant par le fait même l’attention immédiate (et une réponse spontanée) des enfants.

Évoluant dans une superbe scénographie de Érica Schmitz, les acteurs manient également jeux d’ombres et marionnettes, donnant vie à l’oiseau-tonnerre, aux jumeaux faiseurs de tempêtes et à l’étrange Katsina dont les cheveux sifflent l’hiver. Dans une poésie accessible où la mort est une fleur qui pousse à côté du cœur, Messier ouvre habilement une porte sur des légendes qui trouvent immédiatement écho chez nos enfants, habitués aux bruits du vent et à la fougue de la poudrerie. Un pur ravissement. Avec aussi Dave Jenniss et Édith Paquet.