La scène théâtrale : Top Théâtre
Scène

La scène théâtrale : Top Théâtre

La scène théâtrale aura été, en 2005, le lieu de belles retrouvailles comme de coups de cœur imprévisibles. Les trois principaux collaborateurs de la section nous livrent chacun leurs trois préférences des douze derniers mois.

Christian Saint-Pierre

LES REINES

En novembre, Denis Marleau retrouvait, pour notre plus grand bonheur, l’écriture unique de Normand Chaurette. Après avoir créé Le Passage de l’Indiana et Le Petit Köchel, le directeur de la compagnie Ubu proposait au Théâtre d’Aujourd’hui une captivante relecture des Reines, texte dont André Brassard avait signé la création en 1991. En dirigeant, avec autant de rigueur que de folie, une distribution exceptionnelle, Marleau a dégagé tout l’humour et le tragique de l’œuvre.

LE TRAITEMENT

Claude Poissant Photo: Maxime Côté

En mai, Claude Poissant créait, dans le cadre du Festival de théâtre des Amériques, Le Traitement, une pièce du Britannique Martin Crimp qui dresse le portrait d’une époque sensationnaliste. Reprise en novembre dans la saison régulière de l’Espace Go, cette grande réussite du Théâtre PàP en a ébranlé plus d’un. Évitant soigneusement la caricature, les acteurs et les concepteurs ont traduit avec justesse et inventivité les saveurs aigres-douces de la Big Apple.

VISAGE DE FEU

En avril, au Théâtre Prospero, Theodor Cristian Popescu proposait un deuxième spectacle en sol québécois: Visage de feu. Après avoir fait découvrir aux Montréalais le théâtre de Biljana Srbljanovic (Histoires de famille), le metteur en scène d’origine roumaine imposait, avec beaucoup d’adresse, l’écriture brutale d’un jeune dramaturge allemand, Marius von Mayenburg. En s’appuyant sur un minimum d’effets scéniques et sur le jeu relevé des acteurs, la représentation exposait avec acuité les différentes tonalités de la révolte adolescente.

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Jade Bérubé

THE GREEN

Marianne Desjardins Photo: Marc Desjardins

Après une incursion dans le milieu théâtral avec La Traversée de l’Atlantique, l’artiste multidisciplinaire Marianne Desjardins nous présentait cette année The Green, une pièce où l’enjeu théâtral se confondait avec le sport. Véritable réflexion sur la collectivité, The Green parvenait à confondre le public de la Cinquième salle de la Place des Arts, Desjardins s’amusant à placer acteurs comme spectateurs à la merci des mouvements de foule. Marianne Desjardins dirige la compagnie Les deux Maries avec la comédienne Marie-Lyse Forest.

BASHIR LAZAR

C’est dans le cadre du Festival mondial des arts pour la jeunesse, qui se déroulait cette année à Montréal, que nous avons pu découvrir le nouveau texte de la dramaturge Évelyne de la Chenelière: Bashir Lazar. Mis en lecture par Daniel Brière, le texte était défendu avec tendresse et émotion par l’acteur Denis Gravereaux qui en interprétait le rôle-titre. Ce texte truculent destiné aux enfants (mais qui ravit également les adultes) met en scène un professeur démuni devant les déroutes du système d’éducation actuel et désireux de créer un contact privilégié avec les élèves.

ET J’AI ENTENDU LES DRAGONS BATTRE SOUS LA PEAU

Marcel Pomerlo Photo: Michel Tremblay

Après l’Inoublié, Marcel Pomerlo renouait avec la performance solo et nous livrait cet automne, dans le cadre de la série Carte blanche du Quat’Sous, le magnifique texte du jeune poète de 22 ans Dany Boudreault. Ajoutant une théâtralité au texte poétique, Pomerlo réussissait avec quelques accessoires à faire résonner les métaphores tout en les métamorphosant en une dramaturgie. Glissant d’une nostalgie à l’autre, l’acteur offrait encore une fois un pur moment de grâce.

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Stéphane Despatie

VISAGE DE FEU

De Marius von Mayenburg, présentée au Prospero, mise en scène par Theodor Cristian Popescu, avec Amélie Bonenfant, Simon Boudreault, Eric Paulhus, Philippe Thibaudeau et Cristina Toma. Pour la capacité à manipuler la tension et à doser les effets. La teneur et la charge dramatique étaient admirablement soutenues par les acteurs et par la mise en scène sobre et pertinente. Dans l’économie de moyens, tous les éléments du théâtre étaient ici exacerbés.

JOULIKS

Marie-Christine Lê-Huu Photo: Yves Renaud

De Marie-Christine Lê-Huu, présentée au Théâtre d’aujourd’hui, mise en scène par Robert Bellefeuille, avec Marie-Christine Lê-Huu, Suzanne Clément, Catherine Bégin, Patrick Goyette, Aubert Palascio et Guillaume Champoux. Pour la manière touchante d’entrer sur la pointe des pieds, dans le regard d’un enfant. Pour la beauté de la langue et l’imaginaire qui arrivent à côtoyer le drame, l’infiltrer, sans jamais basculer dans le pathos et le prévisible.

ROCHE, PAPIER, CISEAUX…

Trois courtes pièces de Daniel Keene, présentées à Espace libre et mises en scène par Denis Lavalou et Marie-Josée Gauthier, avec Daniel Gadouas, Marie-Josée Gauthier, Denis Gavereaux, Sharon Ibgui et Denis Lavalou. Pour sa puissance d’évocation et la compréhension du texte, et pour cette scène inspirée de la nouvelle La pluie, où Denis Lavalou incarne une vieille femme qui, par le biais de ses simples et personnels souvenirs, arrive à sauvegarder les mémoires nécessaires d’un peuple, d’un siècle. Un moment de grâce comme il y en a trop peu.

VISAGE DE FEU
"C’est une pièce à voir, pour son intensité […]. Du grand théâtre dans un petit théâtre sympathique."
Robert Boulay