Petite rétro danse : Top danse
Petite rétro danse des 12 derniers mois, par notre collaborateur principal en la matière, Normand Marcy.
L’année 2005 se termine en laissant sur son passage quelques œuvres qui témoignent, une fois de plus, de la fertilité créatrice du territoire montréalais. Un lieu géographique qui ne fait pas figure de laboratoire hermétique, mais de terre d’accueil pour plusieurs artistes néo-québécois qui ont volontairement décidé d’ajouter une racine à leur arbre. Citons, à titre d’exemples, les José Navas et Estelle Clareton, dont la maturité artistique a clairement inscrit un point tournant dans leur carrière. Aussi avons-nous eu droit à quelques petites perles du côté des œuvres chorégraphiques présentant une scénographie multimédia: le spectacle de Stéphane Gladyszewski et le travail toujours très "soigné" de Sylvain Émard. À cela s’ajoute mon coup de cœur de cette année: Marie Chouinard (qui sait nous présenter, en reprise, des œuvres "upgradées" à un point ultime, qui frise la perfection).
1. LES 24 PRÉLUDES DE CHOPIN (1999)
Une création de Marie Chouinard qui nous a été présentée en reprise du 31 mars au 2 avril, au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts. Ce qui rend cette pièce époustouflante, c’est qu’elle semble avoir été réglée comme une horloge suisse. Tout arrive à point. Les engrenages sont bien huilés, rien ne grince. Ce qui donne lieu, par exemple, à un petit cue d’éclairage savamment étudié qui se dépose dans la main d’un danseur, à la seconde près, révélant un reflet ou une ombre expressive en parfaite synchronie cinétique avec le corps dansant. Ou encore un travail sonore qui n’est jamais extérieur à la gestuelle, mais dont le flot musical traverse et fait vibrer la matière solide, liquide et gazeuse du corps alors transfiguré des interprètes.
2. PORTABLE DANCES
Une création de José Navas, qui fut présentée du 19 au 22 et du 26 au 29 octobre, au Studio de l’Agora. Cette pièce est d’une simplicité scénographique qui laisse place à la complexité du silence, des lignes, de l’espace relationnel entre les formes et les tracés. Nous sommes dans une abstraction savoureuse qui permet au spectateur (averti, je l’admets!) de prendre part à l’équation kinesthésique dont Navas se sert pour calculer l’infini.
3. FURIES ALPHA 1/24
Une création d’Estelle Clareton, qui fut présentée du 14 au 17 et du 21 au 24 septembre, au Studio de l’Agora. Il s’agit d’avoir assisté à la naissance d’un seul enfant pour comprendre que toute la puissance du monde ne réside pas dans un simple biceps masculin; la puissance créatrice est une femme en train d’accoucher, qui crie, qui souffre, qui saigne et qui vous gueule, par moments, des insanités sans que vous puissiez y faire quoi que ce soit. Cette salle d’accouchement, Clareton nous l’a dévoilée un instant…
4. TEMPS DE CHIEN
Une création de Sylvain Émard, qui fut présentée du 13 au 15 et du 19 au 22 octobre, à l’Usine C. Cette œuvre multidisciplinaire offre à voir la construction ingénieuse d’une structure lumino-cinétique efficace qui a le mérite de mettre au premier plan le mouvement (corporel, lumineux et sonore), et non seulement les interfaces technologiques qui lui permettent formellement d’apparaître. Un travail de collaboration bien accompli entre chorégraphe, scénographe, vidéaste et musicien.
5. AURA
Une création de Stéphane Gladyszewski, qui fut présentée du 7 au 10 avril à Tangente. Ce petit nouveau dans le milieu de la création contemporaine en danse a tout le profil d’un alchimiste. Il se questionne autant sur ses outils de travail que sur ce qu’ils permettent d’exprimer. Des outils qu’il fabrique et trafique lui-même dans son studio-laboratoire. Un lieu d’expérimentation à l’intérieur duquel il a créé l’installation dynamique Aura, proposant un amalgame entre "corps réel" et "image du corps" qui frise l’illusionnisme.