Revue de l'année en théâtre et en danse : Bonbons assortis
Scène

Revue de l’année en théâtre et en danse : Bonbons assortis

L’année 2005 a été faste en manifestations scéniques de toutes sortes. Alors que les compagnies régionales proposent des œuvres de qualité, les productions extérieures pullulent pour former une jarre de bonbons assortis.

LES GOURMANDISES

À la Nouvelle Scène, après qu’on nous a offert le réjouissant Des Fraises en janvier d’Évelyne de la Chenelière, présenté par le Théâtre du Trillium, on nous a épatée avec l’adaptation de l’œuvre poétique de Patrice Desbiens, L’Homme invisible/The Invisible Man du Théâtre de la Vieille 17. Saluons d’abord le travail colossal que Roch Castonguay et Robert Marinier ont fait pour l’adaptation de ces vers en pièce de théâtre. Mots qu’ils se sont mis en bouche avec magnificence.

Lina Blais et Hugo Lamarre dans La Société de Métis. Photo: Alexandre Mattar

Déménageant à la Salle Jean-Despréz le temps de quelques représentations, le directeur artistique du Théâtre de l’Île Gilles Provost s’est non seulement fait un cadeau, mais a aussi gâté le public outaouais en présentant Lettres d’amour d’A. R. Gurney avec sa camarade de toujours, Louison Danis. Leur complicité d’antan était perceptible dans les moindres racoins de la salle, et ce qui devait n’être qu’une lecture s’est avéré un voyage au cœur des mots, livrés avec une justesse poignante.

En tournée au Québec, la pièce La Tempête de Shakespeare du TNM fut un des moments forts en théâtre à la Salle Odyssée de la Maison de la culture. D’une prouesse technologique sans précédent – que l’on doit aux artisans de 4D Art – la pièce, dont la moitié des acteurs n’étaient présents que virtuellement, a confirmé le talent des Paul Ahmarani, Denis Bernard et Éveline Gélinas.

Dans la saison 2004-2005 du Théâtre français du CNA, la rare visite du Théâtre national de la Colline de Paris et de son directeur artistique Alain Françon fait partie des moments mémorables de l’année. Il présentait d’abord sa mise en scène de Si ce n’est toi d’Edward Bond dans une esthétique glauque et froide à souhait, sa mise en scène donnait à entendre les mots de Bond comme jamais auparavant. Comme seconde partie de cette merveilleuse incursion, Françon a présenté e de son protégé Daniel Danis. En a résulté une fable épique toute en nuances et en densité que Françon a créée avec justesse et luminosité.

Patricia Marceau et Geneviève Langlois dans Portrait chinois… Photo: Nir Bareket

Dans la saison 2005-2006 du CNA, trois œuvres nous ont particulièrement marquée, soit le cinglant et direct Howie le Rookie du Théâtre de la Manufacture ainsi que les adaptations des textes de Normand Chaurette Les Reines, par Denis Marleau, et La Société de Métis, par Joël Beddows. Ces dernières nous ont fait découvrir des facettes insoupçonnées du mystère chaurettien: l’un mêlant le tragique et le comique, l’autre hautement symbolique, questionnant la place de l’art.

L’année 2005 a été marquée par le retour sous un nouveau nom et une nouvelle bannière du Festival Zones théâtrales. Deux productions sont ressorties du lot. Du Théâtre La Tangente, le très efficace Requiem pour un trompettiste donnait lieu à un drame municipal à l’allure enfumée et enveloppante des films noirs des années 50. D’une grande complexité technique, la pièce était jouée simultanément dans deux univers différents. Le public était donc invité à changer de côté après avoir vu une première version d’une même histoire. Mis à part quelques défauts techniques, la représentation était une expérience en soi pour le spectateur. Autre mention honorable au Théâtre français de Toronto pour Portrait chinois d’une imposteure de Dominick Parenteau-Lebeuf dans une mise en scène de Paule Baillargeon qui, si elle n’a pas trouvé son public à Toronto, l’a certainement trouvé à Ottawa.

LES DOUCEURS

Si la visite de l’icône de la danse à la crinière blonde Hélène Lecavalier en a réjouit plus d’un avec son spectacle à la fois cérébral et spirituel Cobalt rouge, la surprise de l’année est sans contredit le spectacle D’avant présenté pour deux soirs seulement en exclusivité nord-américaine, les 2 et 3 décembre. Création de quatre danseurs-chorégraphes de grand talent – Cherkaoui, Jalet, Esnaola et Dunberry -, D’avant est à l’image de la mosaïque sur laquelle dansaient les créateurs, où se confondaient magnétisme, humour noir, indiscipline, masculinité, désinvolture, et ce, tout en chants et en mouvements. Prolifique.