Tête blanche : Fontaine de Jouvence
Scène

Tête blanche : Fontaine de Jouvence

Avec Tête blanche, le Théâtre Qui va là poursuit son engagement et s’attaque à un sujet souvent tabou: la vieillesse. Entrevue avec Louise-Édith Hébert et Félix Beaulieu-Duchesneau.

Au premier coup d’œil, tout semble les éloigner. Mais il suffit de quelques mots échangés avec eux pour voir qu’ils brillent de la même flamme. Il est jeune et elle est âgée, et ce simple constat suffit au commun des mortels pour creuser un fossé entre eux. Et pourtant. Non, il ne s’agit pas d’un couple marginal ni d’une relation filiale, c’est plutôt une équipe de travail, de création.

Félix Beaulieu-Duchesneau est membre, avec Justin Laramé et Philippe Racine, de la troupe Qui va là. Louise-Édith Hébert est peintre, elle écrit, elle conte, mais c’est parce qu’elle est une citoyenne engagée, une battante, et qu’elle fait partie d’un autre genre de groupe que les créateurs de Toutou Rien l’ont rencontrée. "Dès que l’idée du spectacle a germé, nous dit Félix Beaulieu-Duchesneau, on a pensé aux Mémés Déchaînées. On avait trouvé génial que des femmes d’un certain âge, toutes plus folles que nous, se regroupent et prennent position…"

Les Mémés Déchaînées, c’est un groupe d’activistes du troisième âge qui militent en chansons et en déguisements. Bien active dans ce groupe dont elle est une des fondatrices, Louise-Édith Hébert a goûté à la scène par le biais de discours et grâce aux spectacles-bénéfice que le groupe organise. Si ces spectacles profitent parfois d’une mise en scène, Tête blanche est la première pièce professionnelle à laquelle elle collabore. "Le principe du Théâtre Qui va là est justement d’aller là où d’autres n’iraient pas, poursuit Félix. L’idée de travailler avec une personne âgée nous intéressait parce qu’on trouve que les gens sont dans des vases clos (les jeunes avec les jeunes, les aînés avec les aînés). Et on voulait aller au-delà des clichés; on a donc fait des recherches sur la vieillesse et on a fait plusieurs rencontres, dont celle de Louise-Édith, un coup de cœur."

"Le temps n’existe pas, ce sont les rencontres qui sont importantes", affirme avec assurance Louise-Édith Hébert, qui, visiblement, a bouleversé, sinon la manière de penser, du moins celle de voir des membres de la troupe. Malgré leur jeune âge, ils ont pratiquement rajeuni (de l’aveu de Félix) depuis cette rencontre. Ils se sont inspirés de la vie de cette dame pour monter leur spectacle, dans lequel elle jouera également. "À travers l’histoire de sa vie, transposée et théâtralisée, à travers la vieillesse et ses difficultés, à travers ses zones d’ombre et ses moments de lumière, on voit comment elle est arrivée à ce qu’elle voulait, comment elle se trouve plus belle maintenant que lorsqu’elle était jeune", nous dit Félix. Toujours rapide, Louise-Édith précise: "On parle de cheminement; le mot est un cliché, finalement, mais c’est tout de même de ça qu’il s’agit. On marche dans la vie, on avance et il ne faut jamais être arrêté, car l’action suggère la création. Moi, je suis dans la création de ma vie."

Si elle ne craint pas de manquer son coup ("je n’ai rien à perdre!"), elle travaille fort pour ne pas décevoir les autres, et, pour ce qui est de l’aspect intime de cette création, tout semble bien se dérouler: "Je fais de la peinture et, quand j’ai terminé une toile, elle ne m’appartient plus. Avoir la distance nécessaire pour raconter ma vie et les laisser en faire un objet théâtral s’est donc fait naturellement." Selon elle, l’important, c’est d’aller vers l’autre "et comprendre autre chose que notre univers personnel pour prendre place dans le monde. Il faut donc créer des événements où les cadres habituels n’existent pas, et où l’on cherchera ce qui nous rapproche. Et je trouve que c’est ça, l’art: créer des liens." Pour Félix, cette collaboration incarne ainsi l’engagement concret de la troupe: "Avec Tête blanche, on ne dit pas: "prenez soin des vieux"; on le fait!"

À La Petite Licorne
Les 15, 16, 22 et 23 janvier et du 11 au 27 février