Trois secondes où la Seine n'a pas coulé : Eaux profondes
Scène

Trois secondes où la Seine n’a pas coulé : Eaux profondes

Avec Trois secondes où la Seine n’a pas coulé, on assiste à la théâtralisation d’un texte poétique. Rencontre avec le poète et dramaturge Larry Tremblay.

"Avant de partir pour Paris, j’avais promis à une amie de lui écrire un poème. Au départ, c’était un poème d’une page, mais le texte ne voulait pas cesser: je continuais de l’écrire et de l’écrire… Le studio étant juste en face de la Seine, j’avais l’impression qu’elle me traversait le cerveau et qu’elle coulait pendant que je dormais", raconte Larry Tremblay.

Écrit au Studio du Québec à Paris en 2000, ce poème-fleuve intitulé Trois secondes où la Seine n’a pas coulé a été publié en 2003 aux Éditions du Noroît. "C’est un poème narratif, et l’objectif de Microclimat Théâtre est justement de travailler le théâtre poétique. Il s’agit de la première production de cette compagnie qui s’intéresse particulièrement à la beauté des mots, à la musicalité, à la rythmique, et aussi à la poésie du corps. Ils veulent allier le travail corporel au travail littéraire." Homme de théâtre bien connu (jeu, mise en scène, enseignement, écriture) et très actif (il collabore à huit productions dans l’année), Larry Tremblay est aussi un écrivain réputé. En plus de ses pièces, il a publié des essais, de la poésie et des romans. Son dernier, d’ailleurs, Le Mangeur de bicyclette (Leméac, 2002), lui a valu d’être finaliste au Prix du Gouverneur général. Au théâtre, ses pièces Ogre, The Dragonfly of Chicoutimi et Le Ventriloque ont été particulièrement remarquées. "Mon théâtre est beaucoup basé sur le langage, sur la force des mots, et je pense qu’il y a déjà une poétisation, alors que mes poèmes ont une certaine théâtralité. J’ai tendance à théâtraliser ma poésie et à poétiser mon théâtre. J’aime aussi tout ce qui est rythme, et, pour moi, écrire un livret d’opéra (il vient d’en créer un au pays de Galles) ou un texte comme The Dragonfly of Chicoutimi, dans un faux anglais, ça demeure très rythmé. J’ai aussi été nourri par la chanson, souvent anglophone, comme Tommy des Who, les Beatles et Leonard Cohen. Pour moi, il n’y a pas de compartiments."

Pièce ou poème, ce texte raconte quelque chose qui est à la fois philosophique et onirique: "J’ai imaginé que la Seine cessait de couler trois secondes. Ce faisant, elle s’est mise à rêver. Je raconte ce rêve. C’est un peu surréaliste et, en même temps, c’est imprégné de l’époque des existentialistes. Comme j’étais à Paris devant la Seine, cela a évidemment donné des références plus françaises que québécoises. C’est la Seine, pas le Saint-Laurent! À partir des lieux, me sont arrivés des personnages comme ce couple de jeunes amants, puis le personnage de la vérité. La vérité est donc incarnée. Il y a une espèce de questionnement philosophique et une histoire qui se théâtralise assez bien puisqu’il s’agit de jeunes amants contrariés, un peu comme Roméo et Juliette."

Mis en scène par Marie-France Goulet et joué par Geneviève Martin, cela donne un spectacle autant pour les oreilles que pour les yeux. "Il n’y a qu’une personne sur scène, car il s’agit d’une narration poétique. Comme cette compagnie travaille également le langage gestuel, il y a aussi, parallèlement au travail de la langue, le travail du corps, et un des grands défis consiste à faire en sorte que le corps ne répète pas ce que le texte dit. Ce n’est pas un travail naturaliste."

Le corps est mis en évidence et pour bien rendre la proposition, il n’y a pratiquement pas de décor, hormis une chaise de métal qui, par des ondulations, donne l’impression d’être sous l’eau. "C’est l’épuration du geste et du regard pour que le mot se rende chez le spectateur le plus directement possible, sans obstacle ni filtre." Et, le rêve le permettant, tout baigne dans les univers de Matisse, de Chagall ou de Picasso.

Du 11 au 28 janvier
À la Salle Jean-Claude Germain du Théâtre d’Aujourd’hui
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