Visage retrouvé : Traits de personnalité
Scène

Visage retrouvé : Traits de personnalité

Visage retrouvé, le roman de Wajdi Mouawad, devient une pièce de théâtre. Rencontre avec Marc Béland, qui incarne l’alter ego du dramaturge en plus de faire vivre les autres personnages.

"Au départ, Wajdi Mouawad et moi avons joué ensemble dans Cabaret neige noire, se souvient Marc Béland. Ensuite, nous avons souhaité un projet commun pendant longtemps, mais nous n’avions jamais le temps de nous rencontrer. Puis, un jour, Marcel Pomerlo a mis la main sur le roman de Wajdi, Visage retrouvé, au moment où il était directeur artistique du Festival de Trois. Il avait mis au programme une lecture de ce livre et il avait demandé à Wajdi de la faire. Wajdi ne pouvant pas, il m’a appelé, et c’est né comme ça. Bien que l’expression "coup de cœur" soit galvaudée, c’est bien de ça dont il s’agit!"

Le roman, publié chez Leméac/Actes Sud en 2002, raconte les errances, les doutes et les quêtes d’un jeune homme marqué par les souffrances du monde. Wahab n’a que sept ans lorsqu’il est témoin des ravages d’une guerre qu’il ne comprend pas encore. Exilé à Montréal, il y deviendra un adulte; un passage qui ne se fera pas sans la fréquentation de la peur, de la folie, de la colère et du silence. C’est que des images le hantent, comme le visage de cette femme qu’il ne connaît pas, mais qu’il a aperçu dans le Liban de son enfance et qui remplace, en quelque sorte, celui de sa mère.

Wahab s’intéresse à la peinture, replace des pièces de sa mémoire et, peu à peu, se sculpte un je. De l’aveu de l’auteur, le roman, commencé à 17 ans et terminé à 32, fut une véritable catharsis. "Je connaissais davantage l’homme que son univers artistique, poursuit Marc Béland. Nous nous étions rencontrés à quelques reprises et avions partagé des réflexions, des lectures, des musiques et des textes qu’il me proposait. En un sens, nous apprivoisions nos sensibilités."

Si l’adaptation repose essentiellement sur le travail de Marie-Louise Leblanc, chacun a mis son grain de sel. "Wajdi est arrivé avec une petite liste de souhaits, mais il a été très discret et il nous a fait confiance. C’est vraiment Marcel qui avait le dernier mot." Plusieurs sacrifices douloureux ont dû être faits, pour une question de temps; seulement une partie du roman pouvait trouver sa place sur scène.

Sous les projecteurs, Béland ressemble à Mouawad de manière étonnante: "Il n’y a eu aucune indication en ce sens, ça s’est imposé. Comme si les mots amenaient un rythme, une "physiqualité", un mimétisme." D’autres personnages aussi prennent vie par l’intermédiaire de Wahab: "Ce n’est pas tant de les incarner que de leur donner un cadre, une silhouette." Et de les façonner avec Marcel Pomerlo, lui-même comédien et habitué des monologues et des textes littéraires. "J’ai rarement travaillé avec quelqu’un qui a autant d’écoute, de délicatesse et de façons de parler aux comédiens… Il fonctionne par images, par intuition; il travaille aussi beaucoup à la profondeur de l’histoire en essayant d’éviter le côté spectaculaire de l’affaire, en n’appuyant jamais sur l’aspect virtuose."

Du 17 janvier au 11 février
Au Théâtre d’Aujourd’hui
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