Beaver : Les rigueurs de l’hiver
Beaver, une pièce de Claudia Dey à laquelle Philippe Lambert donne toute sa résonance.
À La Licorne, Philippe Lambert signe la mise en scène de Beaver, une pièce de la Torontoise Claudia Dey produite par la compagnie Urbi et Orbi. Un spectacle dont les thèmes ne devraient pas dépayser les habitués du charmant théâtre de l’avenue Papineau.
Nous sommes à Timmins, petite ville minière du Nord de l’Ontario. Empêtrées dans une profonde misère intellectuelle, engourdies par l’alcool et le froid, dévorées par les regrets et les remords, les femmes de la famille Jersey survivent. Dans cette famille dysfonctionnelle où elle a eu le malheur de naître, Béatrice s’accroche. Quand la pièce commence, sa mère vient de se suicider. Sous nos yeux, presque muette, Béatrice la fragile devient Beaver la blindée. Âpre et poétique, locale et universelle, la traduction d’Yvan Bienvenue est sans faute. L’espace imaginé par le scénographe Olivier Landreville et l’éclairagiste Michel Beaulieu parvient à traduire avec autant d’ingéniosité les intérieurs kitsch que les paysages sans fin. Les costumes de Sarah Balleux contribuent grandement à la truculence des personnages. La conception sonore de Larsen Lupin apporte à l’aventure un caractère country qui lui sied parfaitement.
Autour de Béatrice, campée avec beaucoup de retenue par Brigitte Lafleur, s’agite une galerie d’individus plus névrosés les uns que les autres. Johanne Haberlin personnifie avec sobriété et justesse le spectre de la mère. Dans la peau d’Edna, une grand-mère qui aligne verres et jurons, France Arbour est aussi drôle que terrorisante. Dans les habits de Nora, la tante coincée et pétrie d’angoisse, Alexandrine Agostini est parfaite. Pour défendre Sima, la tante dévergondée et vulgaire, Marie-Josée Bastien adopte toute la verdeur nécessaire. En Dorris, une femme qui est parvenue à briser le cycle de la fatalité, Marie Charlebois trouve l’un de ses plus beaux rôles. À la fois cinglé et extrêmement lucide, son personnage insuffle de l’espoir dans une pièce parfois très sombre. Incarnant Silo, le père absent et alcoolique, Gérald Gagnon s’en tire assez bien. Il forme avec Cowboy, un solitaire campé de manière si attachante par Jean-Antoine Charest, un tandem dont les divagations sont aussi incongrues que savoureuses. Avec Beaver, Philippe Lambert prouve qu’il sait se mettre au service d’un texte, avec pondération et empathie.
Jusqu’au 4 février
Au Théâtre La Licorne
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