En attendant Godot : Entre le rire et l'angoisse
Scène

En attendant Godot : Entre le rire et l’angoisse

En attendant Godot, mise en scène par Lorraine Côté, présente les deux clochards de Beckett exactement comme on les imagine; avec en plus, à leur égard, comme un surcroît de  tendresse.

Vladimir et Estragon attendent, au milieu de nulle part; ils doivent, on ne sait pourquoi, rencontrer Godot. Pour passer le temps, ils parlent, s’inventent occupations, préoccupations, et voient – ô joie! – leur ennui traversé par Pozzo et Lucky, êtres aussi étranges que l’est leur univers.

Toute l’intrigue d’En attendant Godot tient déjà dans son titre. Et pourtant: que de choses dans cette pièce où il ne se passe rien. La mise en scène de Lorraine Côté, sensible, imaginative, rend hommage au texte de Beckett, révélant l’humour et tout le potentiel ludique de la pièce – à travers décor, éclairages, machines à sons et effets sonores farfelus (Pascal Robitaille) -, en même temps que sa grande profondeur.

Tout y souligne cette idée de l’attente: la vie, pour Vladimir et Estragon, est une construction de tous les instants, une invention fragile à occuper le temps, à combler le vide. Le montre notamment la scénographie (Christian Fontaine) avec, en fond de scène, une superbe invention: un mécanisme apparent, fait de roues et d’engrenages. Machine à transformer le décor, faisant alterner soleil et lune, elle fait littéralement passer le temps, tout en évoquant l’aspect mécanique de la pièce, bâtie sur une succession de moments qui se déroulent jusqu’à épuisement des ressources de la situation, comme autant de ressorts remontés et détendus.

Dans ce cadre évoluent les comédiens, tous magnifiques, complices, livrant le texte avec humour et fine intelligence. En Vladimir et Estragon, Jack Robitaille et Jacques Leblanc forment un vieux couple d’amis très touchant. Leur tendresse, plus ou moins avouée, leurs discussions sans fin, leur vulnérabilité, toutes leurs inventions pour tromper l’angoisse nous font rire, d’eux et de nous-mêmes, tout en nous serrant la gorge. Pozzo, personnage d’homme joué ici par une femme, gagne dans l’interprétation de Denise Gagnon un peu plus de mystère, un aspect surréaliste; Hugues Frenette, en Lucky, crée un personnage à l’air passablement débranché mais pourtant terriblement présent, et offre, au cours de la pièce, un réjouissant morceau d’anthologie.

La mise en scène de Lorraine Côté et l’enthousiasme de toute son équipe font de cette grande pièce un grand spectacle, qui nous fait penser combien l’humain, être grégaire, a profondément besoin des autres pour calmer ses angoisses, et pour vivre.

Jusqu’ au 11 février
Au Théâtre de la Bordée
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