Ferdydurke : Crise d'adolescence
Scène

Ferdydurke : Crise d’adolescence

Ferdydurke est de retour sur la scène du Théâtre Prospero, dans une version retravaillée qui tient toutes les promesses de l’esquisse initiale.

Des dialogues brillants, une mise en scène rythmée, des acteurs toujours en mouvement évoluant dans un décor minimaliste fait d’ombres et de lumières: la metteure en scène Carmen Jolin n’a pas changé les ingrédients qui avaient fait le succès de son adaptation du roman Ferdydurke de Witold Gombrowicz en novembre 2004, alors que le Groupe de la Veillée célébrait le centenaire de la naissance de cet auteur polonais. Aujourd’hui, il s’agit simplement d’offrir au public une version plus complète de l’histoire de Jojo, un homme de 30 ans qui, confronté à sa profonde immaturité, redevient un enfant à force d’être traité comme tel. Enferré dans une vie d’adolescent, maltraité par ses camarades, soumis à l’autorité arbitraire de ses professeurs, méprisé par les jeunes filles modernes, rabaissé par sa famille, Jojo est précipité dans l’univers du "cucul" où il doit endosser des "gueules" successives sans jamais pouvoir exprimer sa propre authenticité, ni découvrir celle des autres.

Dans cette deuxième version, le Groupe de la Veillée propose un tout nouvel acte à la pièce où Jojo, après avoir subi l’humiliation du retour sur les bancs de l’école, est emmené en pension dans une famille moderne, les Lejeune, où il revivra une première expérience amoureuse. On découvre ainsi une nouvelle facette du héros: rejeté par Zutta, la jeune fille de la maison, une lycéenne moderne et sportive, Jojo ne reste pas passif. Il refuse d’endosser la "gueule" moderne que lui imposent la jeune fille ainsi que sa famille et se bat pour rester lui-même. Il décide même de jouer un bon tour à Zutta et à ses prétendants en les invitant tous en même temps dans la chambre de la lycéenne, dans une scène délirante digne du théâtre de boulevard.

Cependant, cette nouvelle composition présente un certain déséquilibre. Il semble manquer un lien entre les actes, comme si les différents épisodes des tribulations de Jojo étaient simplement juxtaposés, sans réel fil conducteur pour nouer l’intrigue. La nouvelle scène, qui devrait servir de pivot à l’action, ressemble davantage à une parenthèse: si Jojo se rebelle dans la famille moderne, il redevient docile pour endosser les grimaces que lui impose sa propre famille dans le troisième acte où il séjourne à la campagne chez son oncle et sa tante.

La mise en scène de Carmen Jolin reste toutefois un véritable concentré d’énergie et d’humour qui plonge le spectateur dans un tourbillon loufoque dès les premières secondes de la pièce, à l’instant où Jojo déboule sur la scène, débraillé, sans chaussures, les cheveux en bataille au sortir d’un mauvais rêve. On rit beaucoup en regardant les acteurs, tous excellents, se transformer tour à tour en écolier facétieux, en professeur rébarbatif, en gentilhomme chasseur ou en valet de ferme simplet.

Jusqu’au 4 février
Au Théâtre Prospero
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