Poème-fleuve ou pièce : Monter la Seine
Scène

Poème-fleuve ou pièce : Monter la Seine

Poème-fleuve ou pièce, Trois secondes où la Seine n’a pas coulé gagne sur tous les tableaux.

Mettre en scène la poésie n’est pas une tâche facile, et encore moins en faire un objet théâtral. Pourtant, la jeune compagnie Microclimat Théâtre arrive, avec cette première production, à relever ce défi en montant pour le théâtre le recueil de poésie Trois secondes où la Seine n’a pas coulé (Le Noroît, 2003) de Larry Tremblay. Est-ce parce que l’auteur appartient également au monde du théâtre et que, par conséquent, les spectateurs connaissent son univers que cela fonctionne? Ou bien est-ce parce que sa poésie est narrative, voire théâtrale, et qu’elle se permet autant de digressions oniriques que de réflexions philosophiques? Probablement tout ça réuni, conjugué au travail sobre et efficace de la metteure en scène Marie-France Goulet et à l’interprétation retenue de Geneviève Martin qui, visiblement, a bien saisi l’essence du texte.

La qualité du spectacle et du texte prend sa force à la même source: le relief. Je dis "relief" pour éviter le jeu de mots avec "vagues", qui en fait serait plus juste et plus précis. C’est que rien n’est plat dans cette proposition où on avance prudemment, certes, mais où on ose, justement, faire des vagues. On ne se soucie pas des cadres, théâtraux ou poétiques, tout en obéissant malgré tout à deux règles: il y a une dimension dramatique et il y a, par le rythme et les images, de la poésie. Il n’y a pas de réels dialogues, mais on incarne la vérité, la Seine et devant nous surgissent des images et des phrases qui s’imposent comme des tableaux ou des couleurs sans craindre de s’éloigner du lexique habituel de la poésie, de même que de toute tendance à déclamer ou à surligner certains bijoux du texte qui passent, ma foi, trop vite.

C’est bien l’une des qualités du spectacle que d’oser avancer sans craindre que le public échappe des vers. Que d’oser dire sans s’écouter, que d’éviter toute posture théâtrale ou poétique. Décrochons-nous? Perdons-nous des bouts? J’espère, car les impressions sont si fortes que le spectateur peut légitimement s’abandonner à ses propres rêves, à ses propres images sans devoir tout comprendre et sans se sentir largué pour autant. C’est par tous ses sens qu’on reçoit la pièce; il suffit d’être disponible, de se laisser bercer par le texte et le jeu, par la musique et les éclairages.

Jusqu’au 28 janvier
À la Salle Jean-Claude-Germain du Théâtre d’Aujourd’hui
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