Visage retrouvé : À livre ouvert
Avec Visage retrouvé de Wajdi Mouawad, Marc Béland offre une performance remarquable et entraîne le spectateur dans une véritable traversée.
Une fois passée l’impression, forte et justifiée, d’avoir assisté à une solide performance d’acteur, on sort de Visage retrouvé, pièce tirée du roman (Leméac/Actes Sud, 2002) du même nom signé Wajdi Mouawad, avec le sentiment d’avoir vécu une réelle traversée. Beaucoup de matière et d’émotions sont livrées dans ce texte, qui, sans qu’on s’en rende complètement compte, prend presque le spectateur par la main (l’effet narratif produit cela) et le fait voyager dans plusieurs univers sans réelles brisures. On passe de l’humour au drame, du cabotin au philosophique, du monde de l’enfance à celui des guerres.
Si quelque chose demeure fondamentalement adolescent, les gestes, les errances, les épreuves agissent en rituels de passage. Et le parti pris, le regard, a beau résister à la sagesse, on ne traverse pas ces presque deux heures (résultat d’une adaptation de Marie-Louise Leblanc des 350 pages du roman) sans apercevoir la maturité d’un créateur. Cette histoire parle d’un passage à l’âge adulte, mais aussi de la mémoire, des mémoires nécessaires, des origines, des blessures individuelles et collectives. Se dessine aussi la difficulté de comprendre la notion de racines et celle de l’appartenance. Avec un parcours comme celui de Wahab, on s’inscrit comme citoyen du monde ou l’on ne s’inscrit pas. Si l’adolescent normal s’inscrit en rupture avec son passé, qu’en est-il de l’adolescent exilé? Comment cultivera-t-il sa singularité si le passé qui le constitue est tout simplement brouillé? Dans ces conditions, comment peut-il clarifier la continuité ou la rupture? Toute une faille se creuse dans la question de l’identité.
Marc Béland a la tâche de raconter ce parcours en faisant vivre des personnages (à la manière d’un conteur), en incarnant Wahab à différentes étapes de sa vie. Le projet est des plus vertigineux, mais il y parvient, non seulement sans lasser le public, mais aussi en réussissant souvent à créer une bulle avec le spectateur, qui oublie le temps qui défile et parfois même l’endroit où il se situe, tellement il voyage dans cette mise en scène de Marcel Pomerlo, tout en lumière et en finesse. Véritable tour de force d’acteur, le jeu résonne dans une étonnante simplicité.
Jusqu’au 11 février
Au Théâtre d’Aujourd’hui
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