David Pressault
Le chorégraphe David Pressault livre une vision sombre des rapports amoureux dans une pièce étonnante.
Rares sont les spectacles de danse aussi lisibles que la nouvelle création de David Pressault. Les relations hommes-femmes sont le thème de Lost Pigeons et ses images sont généralement claires, même si elles laissent à chacun le loisir de les interpréter selon sa fantaisie. Pour parler de l’amour, et surtout de ses affres, le chorégraphe-interprète a choisi de rapprocher les êtres: danseurs et autres collaborateurs ont participé activement au processus de création, ce qui donne une gestuelle et des ambiances diversifiées tout en assurant une belle cohésion à l’ensemble.
Pour symboliser le lien et les relations qui se tissent, la designer Carina Rose a pour sa part créé un dispositif scénographique principalement constitué de tuyaux de cuivre. Chaque fois que les danseurs veulent signifier une rupture, ils viennent briser une partie de la longue structure qui parcourt en courbes irrégulières le pourtour de la salle. Car David Pressault a inclus le public dans l’espace scénique pour qu’il fasse lui aussi partie de son spectacle. Ainsi, les spectateurs sont assis à de petites tables rondes disposées en cercle autour d’une piste centrale. Les interprètes y dansent parfois à quelques centimètres de spectateurs qu’une danseuse va même jusqu’à oser toucher. Ils occupent également le long couloir encadrant le public, l’obligeant fréquemment à se retourner, voire à se lever. Un contexte original pour une chorégraphie à saveur de performance.
Les interprètes du premier duo ont les yeux clos par de fines bandes de ruban adhésif. Joue contre joue, ils se cherchent l’un l’autre. Elle, avide et déjà presque offerte; lui, plus timide, plus froid. La relation débute à peine que déjà, chacun est aveuglé par son désir ou par sa peur. Scène après scène, l’amour se cherche dans les méandres des violences ordinaires engendrées par la volonté de posséder ou de contraindre l’autre, la peur de l’abandon, le désir d’absolu… C’est le drame des individualismes qui s’entrechoquent sans jamais permettre une vraie rencontre.
Aux côtés du longiligne et ténébreux David Pressault, les trois autres danseurs présentent des personnalités très affirmées, douées d’énergies aussi différentes que puissantes. Clara Furey s’illustre particulièrement entre convulsions et tentatives d’expansion dans un solo qu’elle exécute encordée au chorégraphe gisant au sol. Théa Patterson et David Flewelling, tous deux victimes de manipulations sordides exercées par le sexe opposé, se rendent tour à tour aux confins de la folie dans de troublants solos aux corps disloqués.
Les éclairages soignés de Lucie Bazzo créent une intimité autour des danseurs; la musique d’Erwin Vann résonne en parfaite harmonie avec leurs états d’âme. De guerres en réconciliations, de rejets en fusions, d’illusions en espoirs, ils parviendront enfin au seuil d’un bonheur possible. Et la pièce nous aura tenus en haleine malgré quelques longueurs, notamment dans la scène finale qui, avec ses deux corps nus, porte l’heureuse promesse de rapports authentiques.
Jusqu’au 4 février
Au Monument-National
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