Christian Vézina : La vie rêvée des mots
Christian Vézina, interprète du rôle-titre de Rubato, signe et met en scène cette pièce où la parole se fait une beauté pour dialoguer avec la musique. Dangers et vertus de l’imaginaire.
Né d’une volonté de collaboration entre Christian Vézina et le violoniste Jocelyn Guilmette, Rubato raconte l’histoire de deux artistes de la rue tentant d’amasser de l’argent pour s’embarquer vers l’Europe. "Il y a Rubato, qui fut violoniste, qui est manchot et bavard, commence l’auteur au sujet de son personnage, et son jeune protégé, Andante, qui est un violoniste de génie, mais ne dit pas un mot. Ce qui ne veut pas dire qu’il est muet, parce qu’avec son violon, il parle vraiment beaucoup." Autre particularité du spectacle: il est écrit dans un langage très soutenu. "Rubato est un fabulateur de génie, le mensonge est son fonds de commerce, continue-t-il. C’est un homme humilié et dans la rue, alors c’est sûr qu’il n’aura pas "du trouble", il va être "assailli par mille turpitudes"; en bas de ça, ça ne l’intéresse pas. Et ça, c’est venu d’un désir que j’avais, mais aussi, du violon, parce que Jocelyn a un phrasé d’une élégance très particulière, qui m’a amené vers quelque chose d’intemporel." Un texte qu’ils s’efforcent par ailleurs de rendre avec authenticité et un accent bien d’ici, précise-t-il.
Parlant de musique, de relations père-fils et d’amour, la pièce table également sur l’imaginaire, tant en ce qui a trait à son propos qu’à sa forme. "Parce qu’il a une place réelle dans notre identité, explique le metteur en scène. Certains ont une grande imagination, ce qui est une chance, mais peut aussi être une faille, une faiblesse. Et le spectacle réfléchit beaucoup là-dessus." De même, la mise en scène va dans le sens des commentaires qu’on leur avait faits lors de la mise en lecture présentée au Festival d’innovation théâtrale l’année dernière. "Les gens nous avaient dit: "Quand vous allez la monter, ne montrez pas tout, laissez-nous rêver, c’est trop l’fun"", évoque-t-il, avant de s’esclaffer: "Il n’y a pas grand danger qu’on montre tout parce qu’on n’a pas de budget! Donc, on est dans l’évocation. Il faut tout inventer et c’est un peu outrageant, mais, en même temps, ça nous met dans la même situation que les personnages. Il y a une espèce de pauvreté de moyens et de richesse d’imaginaire qui va se refléter dans la production et, bien sûr, solliciter l’imagination du public. Il s’agit de faire comprendre aux gens qu’on n’est nulle part et à aucune époque; on est dans l’intime, où le temps est encore plus relatif qu’ailleurs et où l’espace est incommensurable, à la fois immense et minuscule. Il y a une espèce de cercle au milieu et le fait qu’un personnage soit dedans et l’autre pas, que les deux soient de chaque côté, qu’un des personnages féminins (Ansie St-Martin) le traverse, c’est dans des choses comme ça que le mouvement se crée, que le sens émerge."
Enfin, l’éclairage et la musique, mais aussi l’humour, donneront, selon lui, son ton à la pièce. "C’est également un spectacle comique parce que le personnage est un peu grandiloquent et que c’est un duo où le grand parleur se fait assez souvent clouer le bec par le muet. Des fois, c’est drôle; des fois, c’est plus choquant", conclut-il, laissant au spectateur le loisir de tirer ses propres conclusions quant au second degré de l’ensemble…
Du 14 février au 4 mars
à Premier Acte
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