Marie Chouinard : Bach et béquilles…
Scène

Marie Chouinard : Bach et béquilles…

La toute dernière création de Marie Chouinard, bODY_rEMIX/les_vARIATIONS_gOLDBERG, ouvre le 7e Festival Montréal en lumière. La chorégraphe nous met sur la piste…

Marie Chouinard semble être une amoureuse de la lumière. Chaque fois qu’on entre dans son studio, on ne peut qu’être littéralement traversé, tant par les rayons de soleil qui entrent par les grandes fenêtres du local que par l’éclat de ses brillantes intuitions créatrices. C’est dans cette fabrique du mouvement, entourés des prothèses et autres extensions du corps humain ayant servi au processus d’exploration de la gestuelle, que la chorégraphe montréalaise nous a ouvert une fois de plus les portes de son imaginaire.

bODY_rEMIX… est construit comme un ballet en deux actes, à l’intérieur duquel les corps sont interfacés de multiples manières: béquilles, harnais, bandelettes, surfaces roulantes, barres, élastiques… et, bien sûr, pointes. La raison de ces choix? "La locomotion est l’une des préoccupations majeures de l’humanité, nous répond la créatrice. Cette préoccupation, qui anime plusieurs chercheurs de divers domaines, consiste à trouver des solutions géométriques, mathématiques et architecturales au déplacement des corps dans l’espace. Je fais partie de ces chercheurs."

L’utilisation de ces extensions du corps humain, sur scène, nous fait glisser inévitablement sur le territoire du symbolique. "L’utilisation des prothèses et harnais fait surgir certains symboles des formes, du travail sur la matière, nous dit la chorégraphe. Mais je ne comprends pas ces liens avant de les appliquer à la matière. C’est là qu’ils prennent tout leur sens, pour moi." C’est ainsi que le spectateur pourra voir, à travers ces corps hybrides, des formes archétypales parfois bouleversantes.

Il semble alors assez clair que le phénomène d’hybridation, qui sert d’axe giratoire à cette pièce, ait orienté le choix de son titre. Et ce remixage du corps s’accompagne également d’un remixage musical, nous affirme Marie Chouinard: "Louis Dufort a procédé à un superbe travail de remixage des Variations Goldberg de Bach, interprétées par Glenn Gould. Il a créé des boucles, des ralentis, des superpositions… qui viennent enrichir le propos, comme cette voix au ralenti de Gould, parlant des Variations, qu’on entend au long de la pièce, tel un sous-texte subliminal."

Tout comme les Variations Goldberg, qui sont une étude du contrepoint, bODY_rEMIX… déplie son sujet, le corps humain, de multiples façons. Jusqu’à ce qu’apparaissent devant nos yeux des manifestations du corps qui n’appartiennent pas, en d’autres temps, au monde du visible. Et qui sont probablement des témoignages intuitifs d’une blessure originelle pour laquelle nous n’aurions pas encore trouvé l’onguent.

D’ailleurs, selon Marie Chouinard, ce ballet en deux actes, même s’il demande aux dix interprètes une technique irréprochable, n’évacue pas pour autant le spirituel: "J’ai l’impression d’avoir écrit un traité de philosophie de la vie ou sur les mécanismes de la pensée…"

Du 16 au 18 février
Au Théâtre Maisonneuve