François Papineau : Plaider sa cause
François Papineau est au cœur de C’est ma vie, une pièce du Britannique Brian Clark mise en scène par Daniel Roussel.
Avons-nous le droit de choisir comment nous entendons vivre et quand nous allons mourir? Voilà la question éminemment actuelle – et controversée – qui sous-tend C’est ma vie, le nouveau spectacle de la Compagnie Jean Duceppe. Depuis sa création à Londres en 1978, la pièce Whose Life Is It Anyway? a été jouée un peu partout à travers le monde. En 1981, John Badham en a fait un film mettant en vedette Richard Dreyfuss. Fraîchement traduit et adapté par François Tassé, le texte de Brian Clark est porté à la scène par Daniel Roussel. Nous avons rencontré François Papineau, celui qui a courageusement accepté de défendre le personnage principal, Carl Gauthier.
Carl Gauthier est un artiste, un sculpteur bourré de talent, un homme intelligent qui vit sa vie comme il l’entend, jusqu’au jour où un accident de voiture le rend totalement dépendant de ceux qui l’entourent. Sans avoir rien perdu de sa vivacité d’esprit, l’homme est presque entièrement paralysé, cloué sur un lit d’hôpital. Refusant de se soumettre docilement à son sort, Carl souhaite que l’on mette fin à ses jours. Se butant au refus des autorités médicales, il n’a d’autres choix que de recourir à la justice. La pièce, qui, près de 30 ans après sa création, ne semble pas avoir perdu une once de sa pertinence, place le spectateur au cœur d’un terrible dilemme éthique. Ne devrait-on pas avoir le droit de mourir dans la dignité? Autoriser la mort, la cautionner, est-ce un geste de compassion ou un aveu de démission? Sous chaque question, des milliers d’autres grouillent.
CONVAINCRE EN DEMEURANT IMMOBILE
"Je sais que tu bouges, tu chantes, tu danses, mais cette fois je te demande de ne pas le faire." C’est de cette manière que Daniel Roussel a proposé le personnage de Carl Gauthier à François Papineau. Rappelons qu’en 1998, au Théâtre du Rideau Vert, les deux artistes avaient collaboré à la création d’une pièce de Feydeau: Un fil à la patte. "Ça m’a beaucoup plu que Daniel m’imagine dans quelque chose de différent. C’est la qualité que je préfère chez un metteur en scène, celle de voir plus loin que l’évidence." Malgré tout, l’acteur a réfléchi avant d’accepter le rôle. "J’ai hésité parce que je craignais la contrainte. La contrainte physique est une chose que je n’avais pas connue auparavant. C’est quand même relativement intimidant de penser que tu vas passer deux heures et quart sur scène sans pouvoir bouger. Pas juste sans bouger, mais sans avoir le droit de bouger." Peu à peu, François Papineau apprivoise l’idée de l’immobilité et y découvre même des possibilités nouvelles. "Ce qui te sert ordinairement d’appui, tu dois le métaboliser autrement. Comme tu n’as plus tes gestes pour faire des insistances, tu dois les faire vocalement. Autrement dit, je dois traduire tout ce que je pense pour être extrêmement clair dans mon propos. C’est important parce que le personnage doit amener ceux qui l’entourent à comprendre son parcours. Tu as intérêt à choisir tes mots quand tu veux atteindre l’humanité des autres."
Si la pièce charrie nombre d’émotions, le comédien précise qu’il n’est jamais question de s’engouffrer dans la sensiblerie. "Carl ne cherche pas à émouvoir, mais bien à faire comprendre, à argumenter. C’est un vrai débat d’idées entre un homme qui n’a d’autres moyens que sa tête et une puissante industrie de la santé." De taille, le combat est loin d’être gagné. Pour y arriver, Carl doit éveiller la compassion de chacune des personnes qui pénètrent dans sa chambre d’hôpital: les médecins (Michel Dumont et Markita Boies), les infirmières (Louise DesChâtelets et Jennie-Anne Walker), le préposé (Frédéric Pierre), la travailleuse sociale (Annette Garant), l’avocat (Paul Doucet), le juge (Marc Legault) et la greffière (Mélanie Roy). "La pièce est un apprentissage de la compassion. Ressentir de la compassion, c’est parvenir à se défaire de ses propres structures de pensée pour arriver à voir ce que l’autre veut, ce dont il a besoin. C’est très rare qu’on fasse appel à ça."
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la pièce n’est pas un plaidoyer pour l’euthanasie. Ce qu’elle prône avant tout, c’est la liberté personnelle. "Même si vous connaissez des milliers de cas de personnes qui ont été capables de très bien s’adapter et de vivre dans cet état, cela n’a rien à voir. L’essence de la pièce, c’est que cet homme a le droit de mourir parce que c’est ce qu’il veut et que cela ne nuit à personne."
Du 22 février au 1er avril
Au Théâtre Jean-Duceppe
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