Isabelle Van Grimde : La symphonie inachevée
Scène

Isabelle Van Grimde : La symphonie inachevée

Vortex, d’Isabelle Van Grimde, est présenté en première montréalaise au Studio de l’Agora de la danse. Une rencontre entre danse et musique contemporaines.

Je lui demande: "Puis, où ça en est?". Assise devant moi, Isabelle Van Grimde – qui a accepté de se livrer à nous – me répond avec toute la grandeur qu’on lui connaît: "La pièce n’est pas encore terminée…" Nous sommes à deux semaines de la première et elle ne semble pas ébranlée par ce que sous-entend cette réponse. Elle poursuit: "Cette partie de la création où il faut tout fixer me met mal à l’aise. Pour moi, une œuvre n’est jamais finie. J’ai l’impression que vouloir la finir à tout prix l’étouffe d’une certaine manière." Voilà donc…

Depuis sa dernière création, Les Chemins de traverse, la chorégraphe a volontairement adopté une posture de recherche artistique orientée par la notion d’œuvre ouverte – qui a été largement dévoilée par l’ouvrage du même nom, rédigé par Umberto Eco. "C’est pendant une discussion, faisant suite à l’une des représentations des Chemins de traverse, qu’une spectatrice est venue me dire que mon travail offrait plusieurs similitudes avec la thèse d’Eco. J’ai donc acheté le livre. Certains passages m’ont d’ailleurs servi à nourrir la réflexion qui sous-tend le processus de création de Vortex." Selon cette approche, le processus de création d’une œuvre de danse ne s’achèverait pas à la première représentation devant public, mais se poursuivrait dans l’interprétation chaque fois singulière qu’en font les danseurs et, par extension, les spectateurs.

À ce compte, l’ouverture n’arrive pas parce qu’on en prend conscience. Elle est déjà là. On ne peut qu’en accentuer les paramètres. C’est d’ailleurs ce qu’a fait Isabelle Van Grimde, en proposant à ses danseurs une structure leur offrant un espace de liberté. "Il s’agit d’un système de langage chorégraphique appris de manière encyclopédique par les interprètes, et qui peut être utilisé dans diverses situations", nous explique la chorégraphe. Mais vu l’ampleur du matériel, n’est-il pas difficile de se souvenir de tout sans que ce soit actualisé dans un contexte quelconque? "Bien sûr! Et en ce sens, j’ai un peu le rôle d’aide-mémoire ou de guide auprès des danseurs."

Toutefois, les paramètres de l’inachevé ne s’étendront pas, cette fois-ci, jusqu’à une structure musicale malléable et improvisée, comme c’était le cas lors des Chemins de traverse. Au contraire, cette récente collaboration avec le Nouvel Ensemble Moderne, dirigé par Lorraine Vaillancourt, nous offrira l’œuvre musicale Vortex Temporum, de Gérard Grisey, reproduite avec la plus grande fidélité, à chaque représentation. Le propre de l’École spectrale, à laquelle est rattaché le compositeur, est de travailler le son selon un registre maximal. "C’est d’ailleurs intéressant de voir, par moments, les musiciens continuer à jouer sans que notre oreille ne perçoive de sons." Comme quoi la musique se trouve peut-être, avant tout, dans le mouvement des corps qui la jouent…

Du 22 au 25 février
Au Studio de l’Agora
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