Luce Pelletier : Champs de bataille
Scène

Luce Pelletier : Champs de bataille

Luce Pelletier referme le Cycle Oreste du Théâtre de l’Opsis en signant la mise en scène de Meurtres hors champ, une pièce d’Eugène Durif.

Pour le Théâtre de l’Opsis, l’heure est venue de mettre un point final au Cycle Oreste. En effet, l’aventure entreprise en 2003 se terminera en mars 2006 avec Histoires réelles et imaginaires d’une très ancienne famille, un assemblage de poèmes de l’écrivain grec Yannis Ritsos qui sera présenté dans les Maisons de la culture de Montréal. Pour le moment, Luce Pelletier, directrice artistique de la compagnie, dirige une relecture profonde et résolument actuelle des forfaits d’Oreste et de sa sœur Électre. Créée en 1999, la pièce Meurtres hors champ a été inspirée à Eugène Durif, un dramaturge français à peu près jamais monté au Québec, par la barbarie de notre époque. Bienvenue en territoire miné.

Au centre de cette tragédie contemporaine, deux jeunes soldats qui reviennent de guerre. Oreste (Francis Ducharme) est là pour accomplir un crime, Pylade (Éric Paulhus) l’accompagne fidèlement. Sur leur route, ils croisent la Fille (Isabelle Roy), un personnage qui rappelle étrangement Électre. Rapidement, entre elle et l’aîné des garçons, une relation grave et charnelle se noue. Près d’eux, dans le champ couvert de cadavres encore chauds où ils se trouvent, le Guide-Coryphée (Paul Savoie), tel un chroniqueur des temps modernes, commente et découpe l’action en séquences. Amalgamant les genres, puisant au road movie aussi bien qu’à la tragédie antique, Meurtres hors champ est une œuvre cathartique et formellement déroutante. "Ce texte est parfait pour finir un cycle, déclare Pelletier, mais il aurait été impossible de commencer par lui." Eugène Durif a écrit cette pièce durant la guerre du Golfe, pour, dit-il, "se libérer de tout ce qui est obsessionnel, le meurtre, la haine, l’étouffement ou encore la folie". Selon la metteure en scène, le dramaturge se permet une très, très grande liberté. "Ses connexions mentales sont assez surprenantes. Écrite comme un film, donc avec beaucoup d’ellipses, sa pièce est très contemporaine."

L’action se déroule dans un univers apocalyptique, sur un territoire indéfini. "Nous sommes au bout du monde, estime la metteure en scène, dans une ville où tout est dévasté, détruit, où tout le monde est mort ou presque." Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la pièce n’est pas aussi violente que celles d’Edward Bond ou Sarah Kane. "C’est une pièce crue, concrète, mais pas du tout réaliste, explique Pelletier. Il y a des rapports de force, mais pas d’actions violentes comme telles. Tout est dans la parole, dans cette langue très particulière, imagée. Le défi, c’est de trouver le bon dosage pour s’assurer que ça ne devienne pas un poème, s’assurer d’instaurer la tragédie, son caractère inéluctable." Il faut comprendre que la matière est aussi touffue qu’intrigante. "C’est une pièce très inspirante, conclut la metteure en scène, on y découvre encore des tas de choses." Gageons qu’il en sera ainsi jusqu’au soir de la dernière.

Jusqu’au 11 mars
Au Théâtre Espace GO
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