TGP : Un homme d’honneur
Le TGP termine sa saison avec une pièce fort émouvante: Un simple soldat de Marcel Dubé.
Éveline Charland (Le Malade imaginaire, Les Trois Mousquetaires) n’avait aucune idée précise de la pièce qu’elle désirait monter pour la saison 2005-2006 du Théâtre des gens de la place. Aidée de François Laneuville, elle a épluché une grande quantité de textes pour dénicher la perle rare. Un jour, elle a dépoussiéré Un simple soldat de Marcel Dubé. À la fin de sa lecture, elle s’est mise à pleurer. Ça y était: une œuvre l’avait enfin touchée.
Campé en 1945, Un simple soldat raconte l’amère déception de Joseph Latour (François Laneuville), jeune marginal issu d’un quartier pauvre de Montréal qui rêvait de devenir un héros en allant au front. Mais la Seconde Guerre mondiale a pris fin avant que l’homme ne traverse l’Atlantique. Le retour à la maison est brutal. Là, la nouvelle femme de son père (Marie-Hélène Rheault, Luc Martel) ainsi que ses deux enfants, nés d’une union précédente, se payent sa tête, le voient comme un bon à rien. "J’avais monté deux pièces classiques avant, et j’avais envie de quelque chose d’un peu plus près de nous, en tant que peuple québécois. Je voulais quelque chose de plus contemporain. C’est sûr que ça date de 1945, mais le propos est encore actuel", explique la metteure en scène. De fait, on y aborde les thèmes de la famille reconstituée, des rêves déchus, du non-conformisme.
Tout de suite en fermant le livre de Dubé, Éveline Charland a imaginé François Laneuville, un comédien d’expérience, dans le rôle de Joseph. Elle avoue d’ailleurs que si ce dernier avait refusé son invitation, elle aurait remis en question le choix de cette pièce. "C’est un rôle qui n’est pas facile, qui a beaucoup de facettes, autant dramatiques que comiques – quoique ce n’est pas très comique. Il passe par plusieurs palettes d’émotions. Je trouvais que le rôle lui allait très bien", explique-t-elle. Laneuville s’est glissé avec enthousiasme dans ce personnage à fleur de peau, qui flirte avec les extrêmes (douceur et violence): "C’est un visionnaire, qui représente une grande partie de l’inconscient québécois. Je pense que les Québécois, dans une certaine proportion, se retrouvent en lui, autant les hommes que les femmes. Ce n’est pas un porte-étendard du Québec, mais pas loin. C’est une quête, mais aussi un constat. Il comprend qui il est, où il est et vers quoi il va… et il n’est pas content!" Le moyen que Joseph Latour trouve pour renverser la vapeur, pour donner un sens à sa vie, se révèle la mort. "Il a décidé, à la suite d’une réflexion importante, qu’il voulait son autodestruction. Il était parti à la guerre pour mourir. C’était un suicide conscient qu’il n’a pas pu réaliser. À cause de ça, il est quelqu’un de tourmenté et de déçu", poursuit Laneuville.
Avec une scénographie épurée et un texte remanié – la représentation a été écourtée à deux heures et demie -, Éveline Charland croit avoir réussi à trancher avec le traditionnel théâtre de cuisine. "Ça a été le défi que j’ai donné aux comédiens dès le départ: ne pas tomber dans les clichés des personnages de la famille québécoise, qu’on voit beaucoup plus dans les Michel Tremblay. […] On a essayé de rechercher la vérité dans toutes les scènes, même pour les plus petits personnages", conclut-elle.
Les 16, 17, 18, 23, 24 et 25 février
À la Maison de la culture de Trois-Rivières
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