Axël : Pièce de résistance
Scène

Axël : Pièce de résistance

Axël, au risque de perdre certains spectateurs, gagne le pari de rendre justice à une œuvre difficile.

Après le long et percutant monologue d’ouverture de l’archidiacre interprété de manière imposante par Richard Thériault, un simple "non" sort de la bouche de Sara de Maupers (Marie-Hélène Gendreau), qui ne reprendra pas la parole avant plusieurs minutes. Au milieu de ces faux dialogues, qui ne sont que de longs monologues déguisés en conversations où s’articule la pensée sans véritable écoute des autres, le "non" de Sara, qui implique son entrée au couvent, est en fait le refus à la vie et à l’espérance, ce qui rejoint le refus métaphysique de son amoureux Axël (Éric Robidoux). Ce ou ces refus cinglent également la proposition théâtrale qui refuse toute lancée mélodramatique et toute séduction traditionnelle du public.

Axël, de Villiers de l’Isle-Adam (1838-1889), poème ou récit dramatique considéré comme un maillon important de la dramaturgie symboliste française, à l’instar des œuvres wagnériennes, n’est en fait qu’une formulation d’un mythe. On y personnifie l’idée même, abstraite s’il en faut, de l’absolu. Par les tirades, on tente de déchiffrer les mystères et de nous suggérer, à mesure que surgit le sens, les relations entre ces sons qui jaillissent de cette poésie et l’émotion qui, bien que contenue au maximum du début à la fin, menace d’exploser à tout instant. En fait, le texte est si libre dans cette version écourtée (la pièce dure deux heures, mais dans son entièreté, elle en aurait atteint peut-être sept!) du metteur en scène Christian Lapointe qu’il échappe ainsi au point final, à une compréhension arrêtée: rêverie sentimentale et imaginaire excessif ont raison de la réalité, du pragmatisme.

L’histoire est aussi banale que celle de Roméo et Juliette, où deux jeunes amoureux résistent à leur entourage et terminent leur aventure dans la mort plutôt que dans le compromis. Seulement, le texte appelle autre chose et le spectateur doit travailler autrement! S’abandonner à ce travail rigoureux demande une très grande disponibilité. Le résultat est accessible à tous, certes, mais exige une volonté d’absorption peu commune. Par ailleurs, outre les performances remarquables et humbles des comédiens, la mise en scène remplit ses promesses en réussissant à rendre cette magnifique langue et à nous donner accès à une pièce souvent jugée impossible à monter.

Jusqu’au 25 février
Au Théâtre Prospero
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