Dracula : Sang mêlé
Dracula réveille, avec force mélopées et mélodies gothico-pop, un monstre qu’il aurait mieux valu laisser dormir.
Avec le spectacle musical Dracula – Entre l’amour et la mort, Bruno Pelletier et les Productions Zone 3 ne donnent pas dans la demi-mesure. Réactualisation intempestive du fameux mythe et enrobage musical tonitruant sont au rendez-vous. Malheureusement, émotion, frayeur et romantisme n’y sont pas le moins du monde.
Dire que cette production édulcore le mythe à sa source tient de l’euphémisme. À force de rajeunissements, l’intrigue de ce spectacle, dont le livret est signé Richard Ouzounian, oblitère toute la complexité et le caractère éminemment sulfureux du célébrissime roman de Bram Stoker. Située dans un monde futuriste, l’action réduit le personnage de Dracula à une énième incarnation du mal qui coule dans les veines d’une société corrompue. Et que penser de ceux qui l’entourent: reporter-journaliste, militante altermondialiste et artiste vidéaste sans âme. Pour ne rien arranger, les rimes du parolier Roger Tabra, fades ou carrément navrantes, reconduisent stéréotypes et idées reçues. Ces mots, couplés aux musiques de Simon Leclerc, un assemblage d’airs hétéroclites, sirupeux et parfois même pompeux, forment une mixture particulièrement dure à avaler.
À la mise en scène, Gregory Hlady et Erick Villeneuve font preuve d’un cruel manque d’imagination. Dans la banale structure métallique que Vladimir Kovalchuk a imaginée et que Nyco Desmeules éclaire, probablement pour nous rappeler la belle époque du hard rock des années 80, les interprètes se contentent de monter et descendre. Au centre du plateau se trouve une plateforme triangulaire pivotante qu’on utilise à toutes les sauces. Sur le grand écran qui tapisse le fond de la scène, des images sont constamment projetées. Alors que certaines sont jolies (ciels orageux, gouttelettes de pluie…), d’autres sont simplistes et redondantes (embouteillages automobiles, prises de vues en direct…). Quant aux costumes de Jean Philie, ils sont souvent sensuels, mais rarement élégants.
Vocalement irréprochables, Sylvain Cossette, Andrée Watters et Gabrielle Destroismaisons dessinent cependant leurs personnages à grands traits. Sans réaliser d’exploits vocaux, Pierre Flynn et Daniel Boucher imposent déjà mieux leurs protagonistes. Alors que Brigitte Marchand, Elyzabeth Diaga et Rita Tabbakh incarnent de bien accessoires "vampiresses", les apparitions de Louis Gagné, le narrateur-marionnettiste, agacent plus qu’elles n’enrichissent le sens de la représentation. Il faut le dire, l’argument majeur de cette production, l’élément qui, à lui seul, sauve presque la mise, c’est le talent immense de son instigateur. Non seulement Bruno Pelletier transpire-t-il le professionnalisme, mais sa voix s’avère plus ronde et maîtrisée que jamais. Endossant le rôle du vampire avec plus de fougue que celui de Gringoire (Notre-Dame de Paris), le chanteur livre une interprétation si sentie qu’elle pourrait bien suffire à prolonger la vie de ce spectacle.
Jusqu’au 12 mars
Au Théâtre Saint-Denis
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