Le Mystère d’Irma Vep : Dérapage contrôlé
Le Mystère d’Irma Vep, après avoir fait rigolé la métropole, fait une tournée nationale qui mène la production à Sherbrooke. Rires garantis.
En entrant au manoir de Mandacrest, situé dans les landes anglaises de 1840, c’est au pays du déraisonnable que nous pénétrons. Tout ce qui se passe dans ces lieux est si absurde que l’histoire portée par les comédiens Serge Postigo et Éric Bernier ne semble qu’un prétexte aux gestes saugrenus, à la dérision, à l’insensé et à l’extravagance. Le Mystère d’Irma Vep, de l’Américain Charles Ludlam, est un véritable cocktail de tous les types d’humour, un pur délice explosif.
Mise en scène par Martin Faucher, la pièce, qui se résume à un ensemble de quiproquos et de situations loufoques, raconte la rentrée au manoir de lord Hillcrest, un égyptologue dupe mais célèbre, et de sa nouvelle femme, lady Enid, une comédienne au chômage qui doute de plus en plus de la virilité de son mari. Ils sont accueillis par les domestiques, Nicodemus et Jane, qui sont aussi repoussants qu’attachants et aussi antinomiques que solidaires. Au milieu de cette scène qui ne présente que quelques changements de décors, quelques autres personnages passent, nous amenant aux confins du fantastique et du surréalisme. Mais voilà, Postigo et Bernier sont les seuls comédiens en piste, et, en plus de faire les changements de costumes à la vitesse du son, ils assurent des rôles dont les écarts de genre, de niveau de langage et de voix sont de taille. Les acteurs livrent des performances exceptionnelles et ils voyagent dans la peau d’un Égyptien, d’un Anglais et d’un Loup-garou, pénétrant dans l’univers de Cher et dans celui de Rose Ouellette avec tout autant de plaisir.
Un peu comme pour les dessins animés des Simpson, la traduction d’Irma Vep, signée Geneviève Lefebvre, récupère l’univers culturel québécois avec brio, rapprochant les références kitsch ou populaires de tout un chacun. Ainsi, au son très classique du clavecin, on passe de Je t’attendais (Daniel Hétu) à Stairway to Heaven (Led Zeppelin) avec la plus grande aisance, tournant toute tentative de sérieux en ridicule. Bien sûr, le spectacle s’apprécie davantage lorsqu’on saisit les clins d’œil, les citations et autres références visuelles ou musicales, mais le ton général rend l’ensemble du spectacle accessible à tous.
Si l’ambiance frôle à l’occasion l’effet (recherché!) des films d’horreur de série B, le public n’est jamais exclu de la farce. Les comédiens s’adressent parfois à l’auditoire comme dans une émission pour enfants, le questionnant et rattrapant tout possible dérapage avec rapidité, et ils font en sorte que l’on n’oublie jamais que nous sommes au théâtre. On y fait plusieurs allusions à la pièce ou au métier de comédien, et Éric Bernier, dans son personnage à la fois masculin et parfaitement crédible de Jane, y va même d’un "vite Serge!", histoire de bien nous mettre dans le coup concernant les prouesses des coulisses.
Mais il n’y a pas que la valse des perruques qui rende ce spectacle si drôle, car la mise en scène et le texte, si cohérents dans leur absurdité, donnent la liberté et l’espace nécessaires à ces talentueux comédiens.
Le 24 février
À la Salle Maurice-O’Bready
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