Marie-Josée Gauthier : Condition féminine
Marie-Josée Gauthier met en scène une interprétation entremêlée de danses et de chants de la pièce La Maison de Bernarda, de Federico Garcia Lorca.
"Quand j’ai lu pour la première fois La Maison de Bernarda de Federico Garcia Lorca, la mise en scène de la pièce m’est apparue comme une évidence, je voyais des chorégraphies surgir du texte comme des respirations", raconte Marie-Josée Gauthier. C’est les yeux brillants que la metteure en scène et chorégraphe raconte son coup de foudre pour la pièce qu’elle présente actuellement gratuitement au public, avec le collectif Le Cheval Cabré, dans différentes maisons de la culture de Montréal. Le texte, elle l’a découvert quand elle était étudiante, fascinée qu’elle était par l’univers de ce poète espagnol assassiné en 1936 sous le régime de Franco, peu après avoir écrit La Maison de Bernarda. Aujourd’hui, elle le connaît par cœur: "J’ai toujours su que je mettrais en scène cette pièce", affirme-t-elle en souriant.
Sur scène, sept femmes racontent l’histoire dramatique de la veuve Bernarda qui, à la mort de son mari, impose huit ans de deuil et de réclusion à ses filles pour respecter les coutumes ancestrales. Dans ce huis clos, Adéla, la plus jeune des sœurs, décide de braver l’autorité tyrannique de sa mère, au péril de sa vie, pour rejoindre l’homme qu’elle aime, Pépé le Romano, pourtant promis à sa sœur aînée. "Pour moi, c’est une tragédie qui se déroule en plein soleil, le décor devait dégager cette atmosphère. Une toile aux couleurs chaudes esquisse un patio, des paravents aux panneaux ajourés encadrent la scène… on voit les comédiennes s’espionner à travers les interstices, elles sont emprisonnées dans un monde où le secret est exacerbé, où il ne faut rien dire, ne rien révéler", décrit Marie-Josée Gauthier.
Si la metteure en scène a choisi de remonter la pièce pour qu’elle soit moins longue (certains personnages secondaires, comme celui de la grand-mère, ont été supprimés), elle a aussi décidé d’introduire de la musique et de la danse dans le texte de Lorca. "Je désirais montrer les personnages sous un éclairage intime, que la danse exprime leurs secrets, leurs conflits intérieurs, leurs désirs d’évasion et de révolte… Je voulais aussi ritualiser le deuil et le passage du temps par le mouvement", explique-t-elle. Aidée par la chorégraphe Estelle Clareton et les comédiennes, toutes danseuses de formation, cette ancienne danseuse a donc composé une chorégraphie originale pour la pièce. "Il fallait éviter le folklore, donc le flamenco. Cette pièce porte un message universel que je voulais traduire par une danse moderne et théâtrale." De même, du côté de la musique, les influences se mêlent, des chants andalous composés par Lorca lui-même aux musiques tziganes d’Europe de l’Est, tandis que les costumes rappellent l’Orient et parfois l’Asie.
"La Maison de Bernarda porte un message féministe avant l’heure. En voyant la pièce, je voulais qu’on pense aux femmes afghanes, iraniennes ou nigérianes qui sont toujours opprimées de la sorte", affirme Marie-Josée Gauthier. Pourtant, selon la metteure en scène, le message de Lorca est encore plus universel: "Ici, on parle de désir, d’un désir porté à l’incandescence parce qu’il est réprimé, de cette sensualité, cet instinct de vie qui perdure même si on veut le tuer", explique-t-elle avec passion.
Pour se procurer des laissez-passer: www.ville.montreal.qc.ca/culture.
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