Mia Maure Danse : Liberté individuelle
Mia Maure Danse revient avec L’Hygiène de l’orateur, une œuvre multidisciplinaire tout en subtilité, qui inclut le public autant qu’elle le ravit. Délicieusement dadaïste et subversive.
Comme c’est souvent le cas pour les créations de Mia Maure Danse, il est plus juste de parler d’événement que de spectacle pour définir L’Hygiène de l’orateur. D’abord, parce que le fameux "quatrième mur" qui sépare la scène des gradins a été abattu: la scénographie divise l’espace en plusieurs zones où le public peut évoluer à son gré. Ensuite, parce que les disciplines artistiques y fusionnent sans perdre pour autant leur spécificité. "On ne fait pas de la danse-théâtre, indique Marie-Stéphane Ledoux, qui signe la création avec son complice de toujours, Jacques Brochu. La danse est élaborée dans un langage kinesthésique avec des paramètres très précis et elle se suffit à elle-même. Et le théâtre n’est pas non plus qualifié par la danse, même si Gaëtan Nadeau, qui est un acteur extraordinaire, a une approche organique de la voix."
Présenté au cœur d’une installation multimédia, le projet est né quand les deux chorégraphes-interprètes, déjà artistes confirmés, préparaient une maîtrise en danse. Le mémoire de Marie-Stéphane Ledoux portait sur la voix comme geste. Issu des arts visuels, Jacques Brochu étudiait quant à lui le rapport entre corps et vidéo en jouant à projeter son image sur différents supports. Conjuguant leurs travaux pratiques pour concevoir L’Hygiène de l’orateur, ils lui ont donné le sous-titre d’Exposé corporel en clin d’œil au contexte universitaire. Un acteur et trois danseurs y présentent de petites études sur les interactions entre voix et mouvement en détournant joyeusement des extraits d’un vieux traité de phonétique française. En 2004, le spectacle était programmé dans le cadre du Festival Montréal en lumière. Il remporta un tel succès que les organisateurs l’inscrivent à nouveau cette année à l’affiche de Tangente.
Qu’est-ce qui plaît tant dans cette œuvre? Au-delà des qualités reconnues de la performance et des performeurs, on salue sa folie maîtrisée et la multiplicité des points de vue qu’elle offre sur elle-même: la plupart du temps, entre interventions théâtrales, chorégraphies et projections vidéo, plusieurs actions se produisent simultanément. "C’est quasiment politique parce qu’on demande au public de s’investir et de faire ses propres choix artistiques parmi plusieurs propositions, commente Jacques Brochu. Aussi, les gens ne s’en rendent pas toujours compte, mais quand ils regardent un spectacle, ils sont en empathie kinesthésique. Là, le corps des spectateurs devient presque un objet d’art du fait qu’il est à la fois dans la position de regardant et de regardé." "Parfois, certaines personnes s’approchent si près des artistes qu’elles deviennent des figurants de la scène, ajoute Marie-Stéphane Ledoux. Ce sont des moments magnifiques. Aussi, au début de la pièce, il y a beaucoup de flottement entre une série de petites actions performatives très simples. Du coup, les gens s’observent en se demandant qui est artiste et qui est spectateur. J’adore me faufiler parmi eux à ce moment-là pour observer tous ces jeux de regards."
Que les personnes réservées se rassurent, l’ambiance est très ludique et elles ne sont pas menacées d’être prises en otages. Le spectateur reste totalement libre de jouer l’interactivité et de se risquer ou non à tester les limites de son confort. D’ailleurs, celui qui préférerait la passivité d’une perspective à l’italienne peut demeurer assis au même endroit pendant toute la durée de l’expérience et en profiter tout autant. À l’opposé, celui qui serait tenté de se laisser aller à esquisser quelques mouvements aurait bien tort de se censurer. "Les performeurs sont toujours à l’écoute de ce qui est là, maintenant, dans un esprit d’ajustement et de transformation", explique Jacques Brochu. Eux semblent prêts à tout. Et vous?
Du 23 au 25 février
À Tangente
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