Martin Genest et Pierre Robitaille : Tirer les ficelles
Scène

Martin Genest et Pierre Robitaille : Tirer les ficelles

Martin Genest et Pierre Robitaille amènent au Trident leur Théâtre Pupulus Mordicus. En coproduction, les deux compagnies présentent Jacques et son maître, de Milan Kundera.

Fondé en 1995, Pupulus Mordicus se consacre au théâtre de marionnettes pour adultes. On se souviendra de ses productions Faust, pantin du diable et Les enrobantes, notamment. "En amenant Mordicus au Trident, on amène la méthode de création de la troupe, mais aussi son esprit", expliquent Martin Genest, metteur en scène, et Pierre Robitaille, comédien manipulateur et concepteur de marionnettes. Le caractère festif de Mordicus, on l’imagine, habillera très bien la fantaisie de Jacques le fataliste, roman de Diderot auquel Kundera rend hommage avec la pièce Jacques et son maître (1982).

Voyageant à la campagne, Jacques et son maître (Patrick Ouellet et Jean-Jacqui Boutet) se racontent, pour se distraire, leurs histoires d’amour. Au fil de leurs récits apparaissent de multiples personnages, surgissant de leurs souvenirs. Ainsi se côtoient, sur scène, présent et passé, lieux divers, comédiens et marionnettes.

La pièce, à l’origine, n’est pas conçue pour la marionnette; son apport, ici, semble tout à fait pertinent. "La marionnette, d’abord, apporte l’irrévérence: elle donne plein de permissions qu’on n’aurait pas avec un acteur", explique Martin Genest. "En plus, elle permet d’exprimer le fantasme et l’exagération: les personnages se racontent leurs anecdotes galantes, et bien sûr, ils en mettent…", ajoute Pierre Robitaille.

Folie, fête, chez Diderot, Kundera et Mordicus, n’excluent en rien les questions fondamentales. "Il y a aussi un côté grave dans le spectacle, poursuit Martin Genest. La relation de ces deux amis est très importante: ils sont intemporels. Ils vont nous faire rire, mais à un moment donné ils tombent dans l’angoisse et le tourment. Les questions qu’ils se posent, que se posait Diderot, on se les pose encore en 2006. Qui nous dirige? L’humain se déresponsabilise, en s’en remettant tout le temps à la vie, au destin, à dieu. La marionnette est dans cette position avec le manipulateur. Mais il y a un autre dédoublement: comme la scène est un castelet, il y a donc un manipulateur en haut. Faut savoir c’est qui…"

La marionnette nous entraîne dans un monde imaginaire, de convention. Mais elle est "un objet signifiant", insistent les deux artistes. "Il ne s’agit pas simplement de reproduire la vie, bêtement, avance Pierre Robitaille. On crée un objet, des univers avec du verbe, avec de la matière. La marionnette, selon la façon dont elle est bâtie, sculptée, a déjà en elle les mouvements, les attitudes, les émotions: une partie de son caractère. Il y a un peu de Prométhée, là-dedans. Ces temps-ci, je regarde le Marquis – une marionnette -, et la bestiole… vit. Ça devient complètement fou: l’objet devient vivant. Soudain, on touche à l’essence même de la création. C’est ce côté sacré que j’adore, qui me fascine."

Les comédiens Éva Daigle, Valérie Laroche, Annie LaRochelle, Christian Michaud et les concepteurs Philippe Côté, Olivier Forest, Claudie Gagnon, Zoé Laporte, Julie Morel, Sonoyo Nishikawa, Élène Pearson et Jean Bélanger complètent l’équipe.

Du 7 mars au 1er avril
Au Grand Théâtre
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