Meurtres hors champ : Larrons en foire
Scène

Meurtres hors champ : Larrons en foire

Avec Meurtres hors champ, le Théâtre de l’Opsis offre une digne conclusion à son Cycle Oreste.

Pour conclure son Cycle Oreste, le Théâtre de l’Opsis a choisi un texte contemporain, une relecture actuelle et iconoclaste du mythe. Dans Meurtres hors champ, une partition vertigineuse qui s’inspire vaguement de l’Électre de Sophocle, Eugène Durif, dramaturge français né en 1950, met la tradition en pièces. Si la mise en scène de Luce Pelletier donne une certaine cohérence à l’ensemble, dompter le chaos du monde demeure une aventure périlleuse.

L’âme gorgée d’images immondes, les mains encore couvertes de sang, Oreste (Francis Ducharme) revient au bercail. Appuyé par Pylade (Éric Paulhus), son fidèle partenaire de combat, le jeune homme s’enferme dans la logique qu’il maîtrise si bien, celle de la violence, pour venger le crime par le crime: tuer sa mère, Clytemnestre, et son amant, Égisthe. L’histoire est connue, mais rien ne l’empêche de se répéter. Ensemble, les garçons bouchers arpentent un territoire ravagé. Des vêtements épars, d’autres suspendus à des crochets à viande, évoquent le carnage qui a eu lieu. Puis, surgit la Fille (Isabelle Roy), un personnage aussi désoeuvré que mystérieux dont les lamentations ne sont pas sans rappeler celles d’Électre.

Farce tragique. Difficile de trouver une expression plus appropriée pour décrire ce spectacle. Tandis que la trame de l’oeuvre transpire la fatalité, la mise en scène entraîne la représentation vers la comédie. En fait, elle la maintient précisément sur cette frontière ténue qui sépare le grave du comique, le sublime du grotesque. Ainsi, le Guide-Coryphée (Paul Savoie), maître de cérémonie d’un cirque particulièrement grinçant, d’une foire on ne peut plus macabre, commente, en souriant, la barbarie du monde. Le jeu, la musique, la scénographie, les maquillages et les costumes expriment le caractère éminemment clownesque de l’aventure. Les frénétiques jeux de guerre auxquels Oreste et Pylade se livrent, leurs prolixes errances verbales, et identitaires, ont tout à voir avec les épopées absurdes de Beckett. En somme, avec le sublime affrontement offert en 2004 par La Sirène et le Harpon de Pierre-Yves Lemieux, Meurtres hors champ est sans nul doute à ranger parmi les morceaux les plus féconds du Cycle Oreste.

Jusqu’au 11 mars
Au Théâtre Espace GO
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