Jane Mappin : Le feu sacré
Avec Pale Fire, Jane Mappin poursuit son métissage transdisciplinaire et approfondit son ardente vision de la relation entre les interprètes et le chorégraphe.
Portant le titre d’un roman de Vladimir Nabokov, Pale Fire, la nouvelle création de Jane Mappin tire son inspiration des écrits de ce célèbre auteur américain d’origine russe, pour qui l’art est au-dessus de toute réalité, y compris celle de l’artiste. Débordante d’humilité, la chorégraphe montréalaise n’ose cependant prétendre offrir une adaptation de cette oeuvre, qu’elle qualifie de grandiose.
"J’adhère à cette vision, où l’art est d’une puissance absolue, nous dit-elle avec un accent à croquer. Si on prend par exemple un tableau de Picasso, qui traverse les temps, qui continue de vivre même après la mort de son créateur… c’est d’une immensité infinie! J’ai donc eu envie de me pencher sur ce thème, ce besoin viscéral de créer, sur les motivations profondes qui poussent les artistes à s’abandonner aussi intensément."
Tout a commencé il y a maintenant un an, en studio, avec l’interprète Susan Gaudreau. La flamme dégagée par l’interprète a instinctivement ramené Mappin à son sujet de mémoire, portant sur la connexion liant chorégraphes et interprètes, un échange qui a toujours été pour elle source de fascination. C’est à ce moment qu’elle a décidé d’approfondir son exploration de cet objet qui anime l’interprète, la drive. Comment dit-on en français? Demandons à Sophie Faucher, présente lors de la répétition, amie et précieuse collaboratrice de Mappin, son oeil théâtral cohésif. "La drive? N’est-ce pas le moteur, l’énergie? Ou peut-être la foi? La passion!"
Ainsi va le thème, un feu créatif plus fort que l’artiste lui-même, qui s’efface derrière l’oeuvre. Une idée de départ qui a poussé la chorégraphe à se lancer dans la conception de Pale Fire (Feu pâle), une aventure à laquelle participent les danseurs Susan Gaudreau, Mario Radacovsky, Hanako Hoshimi-Canes, Mappin elle-même, ainsi que sa fillette de 10 ans, Antonia Mappin-Kasirer. "Chaque interprète apporte beaucoup d’énergie et est très étroitement engagé, puisqu’il y a des moments très personnels. Nous travaillons excessivement fort et je suis très heureuse voir ma fille participer à ce projet, aux côtés de danseurs puissants, de la voir développer et assumer sa propre puissance. J’avais ce désir que tous puissent conserver une certaine liberté pour s’apporter mutuellement."
C’est d’ailleurs dans cette optique que Jane Mappin Danse a été créée, en octobre dernier. Empreinte d’une ouverture propre à sa fondatrice, la compagnie vise à offrir à des artistes issus d’horizons différents un lieu d’échanges d’où naîtront des créations transdisciplinaires. Et ici, on ne parle pas de multidisciplinarité gratuite mais d’un réel métissage des différentes formes d’art.
Participant au processus de création depuis juillet, lors d’une résidence à l’Agora de la danse, le photographe Michael Slobodian apporte à Pale Fire des interventions vidéographiques en véritable émulsion avec la présence des danseurs et du violoncelliste électroacoustique Erich Kory. "L’imagerie visuelle de Michael a été intégrée très tôt et Erich a passé plusieurs heures avec les danseurs, ce qui permet à chacun d’évoluer au sein d’un espace créatif commun. Une énergie très forte, très vive en découle. Je vois donc cette pièce comme une explosion de moments joyeux et d’épisodes touchants."
Du 14 au 18 mars
À l’Agora de la danse
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