Jean-Guy Legault : Ailleurs, c'est comme ici
Scène

Jean-Guy Legault : Ailleurs, c’est comme ici

Jean-Guy Legault signe la mise en scène de Nuit d’Irlande, une pièce où Marie Jones se prononce en faveur de la réunification des deux Irlandes.

En mars 2004, au Centre des arts Saidye Bronfman, Jean-Guy Legault découvre A Night in November, une pièce de l’Irlandaise Marie Jones qu’il a depuis traduite et adaptée – il est le premier au monde à le faire – et qu’il met en scène, ces jours-ci, entre les murs de la Salle Fred-Barry, sous le titre de Nuit d’Irlande. "Je suis vraiment tombé sur le cul. C’est un texte percutant, écrit pour être joué. Il a une portée et une résonance qui sont tellement – j’ose le dire, même si c’est devenu cliché – universelles!" Le solo, partition galvanisée par une langue fougueuse, véritable défi d’acteur, sera défendu par Jean-Marc Dalphond.

Jean-Guy Legault, que l’on connaît surtout pour ses mises en scène ludiques et survoltées: L’Honnête Fille et Les Jumeaux vénitiens de Goldoni, Tout Shakespeare pour les nuls et, en novembre dernier, Les Fridolinades, s’attaque à une oeuvre plus grave, mais non moins contestataire, que celles qui attirent normalement son attention. Ce qui est certain, c’est que l’homme est aussi passionné par son sujet que d’ordinaire. Lorsque vient le temps d’établir des parallèles entre le Québec et l’Irlande, le créateur est intarissable. "C’est en travaillant la pièce que j’ai vraiment compris pourquoi les Québécois sont fascinés par la culture et le théâtre irlandais: parce qu’on a vécu le même combat, contre le même envahisseur. On a tous les deux évolué avec le colonisateur britannique et quand celui-ci a perdu son emprise, les mouvements d’indépendance ont commencé à se développer, en Irlande comme au Québec. D’ailleurs, on retrouve les mêmes conflits: la Crise d’octobre et le Bloody Sunday, c’est à un an et demi, deux ans d’intervalle." Il nous parle aussi du passé francophone de l’Irlande, de l’immigration irlandaise au Canada, de l’exceptionnelle capacité d’intégration des Irlandais et de bien d’autres choses encore. Au cas où vous n’auriez pas compris, le metteur en scène est tout sauf blasé.

CHAMP DE BATAILLE

Marie Jones, qui a aussi écrit Des roches dans ses poches, un texte monté par Yves Desgagnés en 2002 dans le cadre du Festival Juste pour rire, nous plonge dans la réflexion bouleversante d’un homme sur les fondements de l’animosité et de l’intolérance qui divisent son Irlande natale. Protestant de l’Irlande du Nord, Kenneth McCallister mène une vie rangée et routinière où il endosse l’hostilité, pour ne pas dire le racisme, des siens envers les catholiques. Après un match de soccer opposant les deux Irlandes, dégoûté par une démonstration de haine démesurée, il entreprend un périple qui le pousse à s’affranchir de préjugés si anciens qu’il n’en connaît même plus les origines. Cette quête, radicale prise de conscience, aura une influence déterminante sur l’homme et ses proches. En dépeignant le parcours de McCallister, la pièce prône la tolérance, la communication et l’acceptation des différences.

"Nous-mêmes, en tant que francophonie, on ne comprend plus notre hantise des anglophones, parce qu’il s’agit d’années de persécution. Pas parce que nous sommes encore persécutés aujourd’hui, mais bien parce que c’est cellulaire: on se bat pour notre descendance, au nom de nos ancêtres. Pour les Irlandais, c’est la même chose. Ce sont des cousins, mais ils se haïssent, sans être capables d’expliquer pourquoi." Est-il nécessaire de préciser que pour le metteur en scène, la pièce fait écho à la situation des francophones au sein du Canada, un pays où le bilinguisme est, tout compte fait, une supercherie. "L’intérêt de ce texte, pour moi, c’est le pont qu’il permet d’établir entre la quête identitaire des Irlandais et la nôtre. Quand on sort du Canada et qu’on rencontre des Canadiens anglais, on est tous des chums. Quand on revient chez nous, on est deux solitudes, le combat reprend. Chez les Irlandais, c’est la même chose. Hors du pays, il y a des Irlandais, alors qu’en Irlande, il y a des sudistes et des nordistes." Loin de vouloir prêcher la bonne parole, Jean-Guy Legault espère simplement inciter le spectateur à la réflexion. "Je ne suis pas en train de donner des solutions ou d’imposer des façons de penser. Ce que je dis, c’est: écoutez-vous et essayez au moins d’identifier le fondement du problème, parce qu’il est dans la pièce et qu’il a une résonance dans notre situation. Sans chercher à tout régler, tâchons simplement d’être plus indulgents envers l’autre."

Du 14 mars au 1er avril
À la Salle Fred-Barry
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