Jean-Marie Papapietro : Tour de Babel
Scène

Jean-Marie Papapietro : Tour de Babel

Jean-Marie Papapietro porte à la scène Le Château, un roman entrepris par Kafka en 1924, quelques années avant sa mort.

"Ce projet me trotte dans la tête depuis une dizaine d’années", explique le metteur en scène Jean-Marie Papapietro à propos de l’ambitieuse entreprise à laquelle il se consacre actuellement: une adaptation scénique du Château, dernier grand roman philosophique de Franz Kafka. "À la lecture, j’ai senti que l’objet était théâtral. Kafka n’a pas vraiment écrit de théâtre, mais Le Château est probablement son roman le plus dialogué. De plus, la partie acoustique – les voix que le personnage principal entend, les bruits, les rumeurs, les sons – est très importante. Toutes ces raisons m’ont incité à me lancer dans cette aventure." Jean-Marie Papapietro a fondé le Théâtre de Fortune il y a six ans, dans le but d’intéresser le public à des auteurs européens souvent méconnus au Québec: Pinget, Walser, Salvayre, Tabucchi et Brassaï. Généralement, ses spectacles sont des oeuvres intimistes défendues par de petites distributions, sinon des solos. Ces jours-ci, le metteur en scène rompt avec ses habitudes en dirigeant 10 comédiens.

K. est l’énigmatique héros du roman, un homme qui surgit dans un village en se prétendant arpenteur-géomètre. Si les autorités lui reconnaissent son titre, elles ne lui confient guère de travail. Pour éclaircir le mystère, K. multiplie les rencontres, chaque homme et chaque femme lui apparaissant comme un moyen d’atteindre son but. Malheureusement, la bureaucratie, symbole même des univers que l’on dit aujourd’hui kafkaïens, semble n’avoir d’autre finalité que d’user peu à peu les forces de ceux qui cherchent à en comprendre le fonctionnement. "C’est un théâtre mental. Dans la tête de K., les personnages apparaissent et disparaissent. Ce roman est un grand débat, comme une partie d’échecs. C’est d’ailleurs comme ça qu’on a structuré notre spectacle, sur la provocation. Ce rapport dominant-dominé, cet exercice du pouvoir, voilà ce qui est éminemment théâtral dans le roman." En réalité, l’oeuvre de Kafka s’avère pratiquement indissociable de son destin. "Ce roman est le plus autobiographique de Kafka. L’écrivain y procède à un bilan, retrouve sa famille, ses amis, le monde des bureaux dans lequel il a toujours été plongé et son aventure passionnée avec Milena. Je trouve que c’est le roman où l’écrivain se livre le plus. D’ailleurs, il a commencé à l’écrire à la première personne."

En somme, le château constitue une métaphore, un microcosme de notre monde. "C’est la société des hommes, devenue oppressante. Ce que K. essaie d’explorer, ce sont les rouages de cette mécanique du pouvoir. Des plus petits aux plus puissants, qu’est-ce qui fait que les hommes ne peuvent fonctionner que de cette façon?" Voilà qui nous guide vers une vision métaphysique de la condition humaine. Cette tentative de définition du sens (ou du non-sens) de la vie, l’oeuvre de Kafka la cristallise avec tant de précision que les relectures et adaptations ne sont pas près de cesser.

Jusqu’au 25 mars
Au Théâtre Prospero
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