Axël : L'inaccessible étoile
Scène

Axël : L’inaccessible étoile

Axël, pièce montée pour une première fois en Amérique du Nord, prend forme depuis quatre ans entre les mains de Christian Lapointe. Rencontre avec le metteur en scène et  adaptateur.

"C’est l’histoire d’un immortel, qui peut-être n’existe pas, raconte Christian Lapointe, et qui va vouer à la mort deux personnes virginales pour que soit vaincue la double illusion de l’amour et de l’argent." Enthousiasmé par l’aboutissement du projet, le jeune metteur en scène (Dans la solitude des champs de coton, Le Chien de Culann, Peinture sur bois) reprend son souffle et précise à propos de cette pièce qu’il a également adaptée: "Plus simplement, ce sont deux personnes qui tombent follement amoureuses et qui deviennent riches à craquer, et qui vont tellement vivre l’illusion de l’amour et de l’argent que lorsque viendra le temps d’aller vivre pour vrai, elles en seront incapables. C’est une espèce de Roméo et Juliette métaphysique occulte…"

Souvent considéré comme un poème dramatique, Axël de Villiers de l’Isle-Adam aurait été écrit essentiellement de 1872 à 1885, mais publié seulement en 1890. Divisé en quatre parties (le Monde religieux, le Monde tragique, le Monde occulte et le Monde passionnel), le texte entier, qui devait même contenir une cinquième partie, montre une quête d’absolu qui, se cognant à la triste réalité, se termine dans la mort. Texte complexe s’il en est, qu’on a aussi surnommé le Faust français.

LES TEMPS FLOUS

"Je travaille des textes très denses, mais mon but est de les rendre accessibles." Villiers a retouché Axël pendant 19 ans et Lapointe travaille sur cette pièce depuis 4 ans. Il a fait des allers-retours vertigineux, déconstruit la chronologie, travaillé à la manière d’un cinéaste, pour finalement revenir pratiquement à la base. Il n’a gardé que les cinq rôles principaux (la pièce commande en fait 30 acteurs), a tenté de trouver la colonne vertébrale et de rendre l’oeuvre digeste. "Quand les acteurs qui m’ont dit oui ont lu la pièce, ils ont eu la chienne de leur vie! Ça demande une très grande humilité pour travailler une telle matière. Tu ne peux pas jouer ça à l’américaine, tu ne peux être que le passeur du texte, sinon, ça devient mélodramatique et réducteur. C’est la première fois que je me retrouve avec une pièce où, dès qu’on commence à comprendre la situation, elle s’écrase si on la joue; elle ne marche plus."

Axël est souvent considérée comme impossible à monter. Lapointe a gardé 75 pages sur 270, et le spectacle dure tout de même 2h15 sans entracte! "Villiers disait lui-même que ce serait inadmissible d’essayer de représenter Axël. Lorsque tu la lis au complet, il n’y a rien qui se réfère à la scène, à l’appareil scénique; c’est très romanesque. On ne retrouve pas les didascalies habituelles. Il disait que c’était un récit dramatique en prose, où on peut évoquer Axël mais sans pouvoir le représenter."

Lapointe a balayé tous les repères historiques: "J’ai rendu l’objet intemporel et l’ai situé dans un non-lieu qui pourrait être ici, aujourd’hui, ou dans le futur." Il a fait tout un travail sur la direction de la parole, sur le développement de la pensée. "Ce sont des dialogues, mais également des monologues, comme chez Koltès. Tu t’adresses donc à toi-même en sachant que quelqu’un t’écoute…"

Du 21 mars au 8 avril
Au Théâtre Périscope
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