Jacques et son maître : Saturnales
Jacques et son maître, à travers comédiens et marionnettes, souffle un vent de folie et, au-delà de ses interrogations sur la vie, célèbre joyeusement l’amitié.
À pied sur une route de campagne, Jacques et son maître cheminent. Où vont-ils? – "Sait-on jamais où l’on va? Décide-t-on quoi que ce soit?, s’interrogent-ils, puisque tout est écrit là-haut…" Chemin faisant, les deux amis se racontent leurs amours passées et font quelques rencontres. Au fil des récits surgissent des personnages colorés, issus de croisements étonnants entre comédiens et marionnettes. D’une histoire à l’autre, même constat: l’amour nous tient tous, et bien souvent, nous manipule…
Coproduction du Trident et de Pupulus Mordicus, Jacques et son maître, de Milan Kundera, est une véritable fête. Fête pour les oreilles, d’abord: musique enlevante et coquine (Philippe Côté et Olivier Forest, présents sur scène); pour les yeux, ensuite: beauté de la scénographie (Claudie Gagnon), immense castelet s’ouvrant sur une forêt bleutée faite d’arbres mobiles, quelques accessoires apparaissant au fil de l’action. Le tout, dès l’ouverture réjouissante, nous transporte dans un univers de fable où, on le sait, tout peut arriver. Grand plaisir, aussi, devant les marionnettes: du pantin aux masque et postiche appliqués au comédien, en passant par la marionnette hybride, les créatures sont surprenantes, pleines d’ingéniosité. On est charmés, amusés de leur diversité, de l’humour dont elles portent la marque et de leur force métaphorique; fascinés, aussi, de voir la complicité entre comédiens et compagnons articulés (Jean-Jacqui Boutet, Éva Daigle, Valérie Laroche, Annie LaRochelle, Christian Michaud, Patrick Ouellet, Pierre Robitaille).
Fête des sens, à l’image de l’épicurisme des personnages, Jacques et son maître est aussi une fête pour l’intelligence: dialogues pétillants, histoires truculentes, construction vertigineuse dans laquelle s’emboîtent les récits, surprises. À même cette trame joyeuse, plusieurs réflexions sur la vie, le destin et, par une image saisissante, sur la réalité en marche, inéluctable.
Malgré quelques petits moments où la verve de Kundera semble un brin circulaire, la mise en scène brillante et hautement ludique de Martin Genest, l’enthousiasme et le talent éclatant de sa folle équipe, concepteurs et interprètes, font de ce spectacle un régal, une jubilation.
Jusqu’au 1er avril
Au Grand Théâtre
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