Philippe Soldevila : L'héritage
Scène

Philippe Soldevila : L’héritage

Philippe Soldevila signe et met en scène Conte de la Lune, une pièce inspirée de nouvelles de Pere Calders et de l’histoire de ses ancêtres. De père en fils.

Après avoir mis en scène Chroniques de la vérité occulte, collage de textes autour de l’oeuvre de Pere Calders, Philippe Soldevila renoue avec l’auteur catalan en s’inspirant de certaines de ses nouvelles pour nous offrir Conte de la Lune, une pièce dont le récit s’enracine également dans le passé de sa famille. "J’ai inventé une histoire qui s’inspire de manière très libre et poétique de celle de mon père et de sa relation avec mon grand-père, que je n’ai jamais connu", précise-t-il. Ainsi retrouve-t-on sur scène un narrateur, fils d’immigrant espagnol né en Amérique, qui, au moyen du journal intime rédigé par son père alors qu’il n’avait que 10 ans, évoque pour nous un moment important de la vie de ce dernier, soit quelques jours de l’été 1940 marqués par le retour de son propre père après la guerre civile. "Dans le fond, l’héritage que j’ai reçu de mon père et que lui avait reçu du sien, j’avais envie de le laisser à mes enfants, explique-t-il. Donc, c’est devenu un spectacle très personnel, qui nous a vraiment tous transportés. Je suis assez impressionné de voir comment, en 55 minutes, on réussit à parler du départ du père, de son héritage, de guerre, de dictature, de liberté, de poésie… C’est un grand voyage dans l’espace et le temps, et je pense que c’est une des réalisations dont je suis le plus fier. Ça a été un grand bonheur collectif de monter cette pièce-là, avec l’impression que c’était quelque chose d’important et qui nous dépassait."

Sur le plan du jeu, les comédiens Christian Essiambre, Réjean Vallée et Agnès Zacharie l’ont d’ailleurs agréablement surpris: "C’est extraordinaire parce que je n’aurais pas pu imaginer, quand j’écrivais, que ça allait prendre autant de sens, c’est-à-dire que l’interprétation qu’ils en proposent va vraiment au-delà de toutes mes espérances." Du côté des éclairages (Christian Fontaine) et de la scénographie (Luc Rondeau et Erica Schmitz), c’est surtout un coffre, mais aussi divers effets, qui assurent le pivot entre pays et époques. "Du point de vue visuel, il y a quelque chose de très beau et poétique qui s’en dégage, et tout ça est mis au service d’une thématique rarement abordée, commente-t-il. On alterne entre la grande joie, le rire, mais en même temps, tout ça se fait pour vaincre quelque chose de plus dur. J’ai voulu montrer la force de l’invention, de l’imagination comme manière de transcender la douleur. C’est donc un spectacle qui peut être très triste d’une part, mais qui porte aussi toute la force qu’on peut trouver en soi pour aller au-delà de ces drames-là; c’est à la fois drôle et émouvant. Et il y a plusieurs manières de le percevoir selon l’âge qu’on a." Pour ce qui est des enfants, il remarque avec satisfaction qu’il ne leur faut pas longtemps pour suivre l’exemple du héros et se mettre à inventer des mots. "C’est comme si ça leur ouvrait la porte à la force des mots, au pouvoir qu’on peut avoir comme individu en utilisant la langue, l’écriture pour construire des choses", observe-t-il. Et c’est bien là ce qu’il cherchait à éveiller en eux: "D’abord, la curiosité, pour vouloir en savoir davantage. Et en même temps, le désir d’inventer, de créer."

Jusqu’au 26 mars
Au Théâtre des Gros Becs
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