Julie Vincent : L’amour en héritage
Julie Vincent écrit, met en scène, joue et coproduit, avec le Théâtre PàP, La Robe de mariée de Gisèle Schmidt. Rencontre avec une jusqu’au-boutiste.
Dans les années 80, Julie Vincent a écrit La Déprime (en collaboration avec Denis Bouchard, Rémy Girard et Raymond Legault) et Noir de monde, un solo marquant. Au début des années 2000, après que la comédienne Gisèle Schmidt lui eut dit, dans une coulisse de théâtre: "J’aurais donné toute ma carrière pour vivre une grande histoire d’amour", la créatrice reprend la plume, plus inspirée que jamais. "Quand je lui ai dit que j’écrivais une pièce qui s’appelait La Robe de mariée de Gisèle Schmidt, elle a ri. Puis, je lui ai lu la première nouvelle (la pièce est divisée en six nouvelles-théâtre) et l’échange a eu lieu."
Soyons précis: la nouvelle pièce de Julie Vincent, celle sur laquelle elle travaille depuis environ trois ans, pour laquelle elle a fondé la compagnie Singulier Pluriel et qu’elle s’apprête à dévoiler avec le Théâtre PàP (et qui met en vedette Éric Cabana, Jacinthe Laguë, Paul Savoie et elle-même), n’est pas une biographie de Gisèle Schmidt. "Elle refusait toute biographie, mais elle trouvait merveilleux que des nouvelles érotiques et amoureuses soient inspirées de ses propres fabulations. Gisèle est une évocation dans cette pièce, une présence, un creuset. Elle reçoit les histoires, elle est le phare, la boussole." Gisèle Schmidt fait partie de ces femmes qui ont défini, chez nous, le métier de comédienne. "Quelque part, les toutes premières grandes comédiennes au Québec ont élevé les autres femmes, elles nous ont élevées. Elles avaient des couturières, des lettres, des connaissances, travaillaient et gagnaient leur vie. Elles se sont battues avant les autres, pour avoir une vie libre. Elles ont mené, sans tapage, un combat très important."
SUBVERSION AMOUREUSE
En côtoyant Gisèle Schmidt, en devenant son amie, en l’accompagnant vers la mort, survenue en 2005, Julie Vincent découvre une femme renversante. "Elle était à la fois profonde et capable de légèreté, capable de silence et de parole, capable de grands vertiges comme interprète et capable de prendre le risque de l’amour, de la subversion amoureuse. Quelques mois avant sa mort, elle affirmait croire encore à cette prise de risque." Devant autant de conviction, Julie Vincent n’a d’autre possibilité que de se lancer dans l’écriture, celle des bilans. "À l’aube de mes 50 ans, j’avais envie de reconnaître quelqu’un d’autre, de témoigner de la vie d’une femme, d’une comédienne, qui a traversé presque tout un siècle. Je voulais me demander, par l’entremise d’une autre: qu’est-ce que mon métier?"
Ainsi, tirée des rêveries de Gisèle, une robe de mariée voyage d’un pays à l’autre et se transforme six fois sur une période d’à peu près 30 ans. "J’ai essayé d’inscrire chaque histoire dans un contexte historique et politique qui fasse ressortir la culture de l’amour, qui la dégage de l’anecdote, du roman-fleuve ou du téléroman où on la confine souvent. Ce sont six histoires d’amour passionnelles, fulgurantes. Des histoires qui me permettent de voyager, de faire en sorte également que les voyages que j’ai faits ne soient pas morts et, par le fait même, que Gisèle puisse voyager, sans quitter son fauteuil fleuri, devant sa fenêtre donnant sur le fleuve." Mais, pourquoi avoir eu recours à une robe de mariée? "J’avais envie de jouer avec le sens sacré et le sens profane de la robe de mariée. C’est une robe qui fait l’amour, une robe au contact de laquelle les hommes et les femmes s’embrasent. Chargée d’une histoire, cette robe meurt et renaît dans la nostalgie de l’amour. Elle me permet de retrouver la beauté en même temps que la révolte, cette indignation dont je n’arrive pas à me départir."
Du 21 mars au 15 avril
Au Théâtre Espace Go
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