Le Château : Château fort
Scène

Le Château : Château fort

Le Château prouve que Jean-Marie Papapietro est aussi à l’aise avec la polyphonie que le monologue.

Jean-Marie Papapietro, directeur du Théâtre de Fortune, est surtout connu pour sa maîtrise des pièces à un seul personnage, ou presque. Ces jours-ci, le créateur relève tout un défi: porter Le Château, célèbre roman de Franz Kafka, à la scène. Le pari est d’autant plus risqué que l’oeuvre est exceptionnellement touffue et qu’elle recèle une multitude de protagonistes. Qu’à cela ne tienne, le metteur en scène et ses 10 comédiens n’en font qu’une bouchée.

Le personnage principal, un certain K., est induit dans une quête dont les résonances sont on ne peut plus existentielles. L’étranger, qui se dit arpenteur-géomètre, cherche du travail. Malheureusement, à ses demandes les autorités du château demeurent sourdes. Les origines de notre homme sont mystérieuses; ses fonctions sont imprécises; son avenir est pour le moins hasardeux. N’est-ce pas, en quelque sorte, la description la plus fondamentale de la condition humaine?

François Trudel fait honneur à cet emblématique destin. L’acteur rend palpable la graduelle et inéluctable déliquescence du héros. Avec bonds et culbutes, mais aussi avec présence et constance, Jean Turcotte et Christophe Rapin campent les irrésistibles assistants du personnage principal. Alors que Roch Aubert dessine un superbe Barnabé, Christine Filteau incarne une déchirante Amalia et Claire Gagnon insuffle à la mère de celle-ci une inquiétante étrangeté. Denis Gravereaux, Georges Molnar, Jean-Robert Bourdage et Aurélie Spooren démontrent quant à eux beaucoup de polyvalence.

L’adaptation s’appuie sur une théâtralité affichée et audacieusement dépouillée. On pense à Dogville, le long métrage de Lars von Trier. Usant de trois fois rien, les comédiens nous entraînent dans les dédales de l’oeuvre, terrible labyrinthe où une surprise nous attend à chaque détour. Derrière les trois panneaux de bois sur roulettes conçus par Magalie Amyot et très soigneusement éclairés par David Perreault Ninacs, il y a toujours quelqu’un qui guette, l’oeil fiché dans l’un des interstices. Atteignant le parfait équilibre entre limpidité et mystère, chacune des 120 minutes que dure cette représentation captive.

Jusqu’au 25 mars
Au Théâtre Prospero
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