Trilogie de la Terre : Demain, il fera beau
Dans le troisième volet de sa Trilogie de la Terre, Paula de Vasconcelos donne la parole aux jeunes pour parler de l’avenir. En résulte une création des plus hybrides et des plus optimistes.
Quand elle a décidé de travailler le thème de l’état de la planète, Paula de Vasconcelos a tout de suite su qu’un spectacle n’y suffirait pas. En 2004, elle commençait donc par la naissance de l’humanité et nous arrivait avec la vibrante Babylone, où se mêlaient danse, théâtre et musique live. L’année suivante, elle enrichissait la formule en s’associant avec le photographe Serge Clément pour investir le présent et observer la naissance du jour aux quatre coins du monde dans 5 heures du matin. Pour Demain, elle a fait appel à sept interprètes de moins de 25 ans qu’elle a pleinement impliqués dans le processus de création. Et s’ils sont conscients des défis qu’ils auront à relever pour construire l’avenir, ils livrent le message que tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir.
"Je ne m’attendais pas à une telle vague d’optimisme, confie la créatrice. Je pensais que le futur était un sujet plutôt sombre. Mais c’est la femme de 41 ans qui projette ça. Quand j’ai commencé à sonder les interprètes, je me suis rendu compte qu’ils ne portaient absolument pas en eux toutes mes angoisses et mes inquiétudes, et je me suis dit qu’il ne fallait surtout pas que je les leur transmette. Alors je me suis tenue muette et je me suis inclinée devant leur enthousiasme." Cette fois plus que jamais, la chorégraphe et metteure en scène a choisi de composer avec la matière première de la personnalité des artistes. Elle n’a cessé de solliciter leurs réflexions sur l’avenir pour créer les textes de la pièce, et certaines de leurs pensées seront régulièrement projetées sur un immense écran en fond de scène. De même, ils n’auront à entrer dans la peau d’aucun personnage imaginaire. Car ce sont ces êtres humains-là, précisément, que Paula de Vasconcelos a voulu mettre en scène.
DÉRAPAGES CONTRÔLÉS
Bâti autour des interprètes, le spectacle fait état de leur vécu au-delà de leur perception de l’avenir. Certains cas s’annoncent d’ailleurs particulièrement intrigants. Comment, par exemple, Forty Nguyen, breakdancer d’origine vietnamienne, parvient-il à s’inscrire dans le temps et à se projeter dans le futur alors qu’il n’a qu’une vague idée de sa date de naissance? Et que dire de Suzanne Laforest, cette sourde-muette qui entre en dialogue avec le public pour révéler des détails de l’intimité du groupe qui évolue sur scène, faisant ainsi le pont entre ces entendants dont elle est généralement totalement isolée? La diversité des backgrounds culturels et professionnels des sept jeunes artistes donne lieu à une grande variété de scènes, d’idées et d’humeurs, forçant ainsi le trait de cette signature typique de la compagnie Pigeons International qui évacue toute structure dramatique conventionnelle.
Mais quelles que soient leurs histoires personnelles, qu’ils viennent du cirque, d’un studio de danse ou de la rue, tous ces jeunes gens sont "des danseurs d’un calibre hallucinant" qui ont enrichi la gamme du vocabulaire gestuel de la chorégraphe. Sa gestuelle, qu’elle qualifie dans un sourire de "pizza all-dressed", est encore plus métissée qu’avant et se teinte pour l’occasion de joyeux accents acrobatiques. "Ce sont des artistes beaucoup plus audacieux physiquement que je ne l’ai jamais été. Il y en a toujours deux pendus dans un coin pendant qu’un autre essaie une troisième vrille à partir d’une chaise… Ils n’ont vraiment peur de rien physiquement et ça a un impact sur leur personnalité parce que ça leur donne une grande confiance en eux."
Ces individus sont-ils représentatifs de l’ensemble de la nouvelle génération? Probablement pas. D’ailleurs, leur propre vision du futur ne cesse d’évoluer au fil du temps. Alors Paula de Vasconcelos ouvre les horizons et s’aventure à faire surgir sur scène les mouvances du réel en diffusant à l’écran les résultats d’un chat en direct des artistes avec trois autres jeunes: une Vancouvéroise, un Haïtien et une New-Yorkaise en voyage à Paris. Une innovation qui propulse le spectacle hors de l’espace scénique tout en l’inscrivant dans une perspective universelle. Un choix qui fait dépendre la représentation de la technologie Internet et de l’inspiration des interlocuteurs extérieurs. "C’est la seule chose qui reste encore fragile, avoue la créatrice, et il faut prévoir un plan B pour le cas où ça ne marcherait pas. Car cette dimension du réel augmente le risque d’erreur et de dérapage. Mais ça fait tellement partie de la vie des jeunes!" Et puis, le risque n’est-il pas un des meilleurs moyens de transformer le réel et de continuer à se sentir vivant?
Du 23 mars au 8 avril (tarif étudiant pour tous les 23, 24, 25 et 28 mars)
À l’Usine C