Nancy Bernier : L’alchimiste

Habituée aux rouages précis et délicats de la comédie grâce à de nombreuses expériences au théâtre d’été, Nancy Bernier réalise, pour sa 20e mise en scène, son rêve de monter une comédie classique. Elle s’aventure dans l’univers de Goldoni, maître italien du genre, au XVIIIe siècle.

Giannina (Sophie Martin), fille unique, vit avec son père Filiberto (Jean Guy), un veuf. Éprise d’un lieutenant français (Jean-Sébastien Ouellette) que son père héberge temporairement, la jeune femme invente, pour prolonger le séjour de son amoureux et pour cacher à son père leur idylle, un ingénieux stratagème. Pièce au schéma classique – amour partagé, entêtement d’un père, mensonge et duperies -, Un curioso accidente se distingue par la verve de Goldoni et par la dimension psychologique que dissimule le comique.

"Les bonnes comédies sont celles qui puisent à même une vérité psychologique, avance la metteure en scène: dans cette pièce, c’est le lien entre le père et la fille. Ce père-là ne veut pas que sa petite fille s’en aille, ne veut pas la donner à un autre homme. Donc, il met tout en place pour qu’elle lui mente, pour que tout le monde lui mente, et pour se cacher la réalité. Tout au long de la pièce, il pourrait facilement se rendre compte qu’elle est amoureuse du lieutenant: c’est évident. Mais Filiberto s’aveugle lui-même, totalement. C’est très bien fait, très intelligent."

Pour rendre les nuances de l’oeuvre, la finesse des situations, Nancy Bernier privilégie, dans sa mise en scène, la vérité. "J’ai dirigé les acteurs dans la vérité totale. Je trouve que plus on est vrai, plus c’est drôle. Je dis toujours aux acteurs: "Cherchez pas l’humour et le comique ailleurs: jouez la situation comme vous joueriez un drame, et ça va être drôle." Par contre, la comédie a un rythme très précis, une mécanique que le drame n’a pas du tout. Dans la comédie, il y a un mystère qui fait que certaines choses sont drôles, et pas l’inverse. La plupart du temps, ça s’explique même pas. Mais c’est souvent ça, la mise en scène, c’est comme une recette: je fais ça, ça, ça, et pouf, ça devient autre chose. C’est un peu comme de la magie."

Depuis plusieurs mois, Nancy Bernier enchaîne projet sur projet dont, tout récemment, Show d’vaches et Effets personnels. Le train ne semble pas devoir ralentir. Enthousiasme chez l’artiste: "Créer, ça me rend vivante", lance-t-elle. "Ce que je veux, quand je joue ou que je mets en scène, c’est émouvoir les gens. Je veux qu’ils se comprennent davantage en tant qu’êtres humains et, par moments, qu’ils se sentent très vivants d’être là. Je veux toucher à la profondeur de l’être humain dans sa beauté; je pense d’ailleurs que c’est ce que tous les artistes veulent faire. Ma quête, c’est ça: qu’une salle vibre et que, tous ensemble, les gens soient touchés, que ça leur parle de leur vie. C’est un beau mandat, non?"

Les comédiens Bertrand Alain, Maryse Beauchamp, Catherine Larochelle et les concepteurs Lucie Larose, Louis-Marie Lavoie, Marc Vallée et Bernard White complètent l’équipe.

Jusqu’au 15 avril
Au Théâtre de la Bordée
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