Molière en hiver : Briser la glace
Scène

Molière en hiver : Briser la glace

Avec Molière en hiver, le Théâtre de l’Utopie présente une adaptation jeune et dynamique du Misanthrope.

En transposant l’action du Misanthrope dans le décor hivernal d’une patinoire, le Théâtre de l’Utopie a su tirer pleinement parti de l’espace original du Bain Saint-Michel. Vêtus de costumes et de perruques du 17e siècle et chaussés de patins, les acteurs glissent sur la surface blanche du bassin, ils se poussent en riant, se bousculent, certains trébuchent, d’autres exécutent des pirouettes… Un seul personnage, habillé en noir, refuse d’entrer dans leur jeu.

Dès les premières minutes, la metteure en scène Cristina Iovita nous plonge au coeur de l’intrigue du Misanthrope: Alceste, un jeune homme intransigeant, refuse d’entrer dans le rang et de participer à l’hypocrisie généralisée qui règne à la cour. Poussée hors de son décor traditionnel, à l’extérieur, loin des salons conventionnels, la pièce de Molière, balayée par le vent d’hiver, semble animée d’un nouveau souffle.

La troupe livre une interprétation fougueuse, portée par l’excellence de ses trois jeunes acteurs principaux: Dominic Darceuil (Alceste), Vincent Côté (Philinte) et Brigitte Pogonat (Célimène). Les scènes s’enchaînent rapidement, les dialogues fusent, les réflexions philosophiques laissent place à des morceaux de comédie pure, presque clownesques. À la manière de la commedia dell’arte, chaque personnage incarne une posture physique spécifique, élégante pour certains, grotesque pour d’autres, donnant une nouvelle vie à ces caricatures de courtisans imaginées par Molière: Célimène la coquette, Clitandre (Thomas Perreault) le marquis à petite cervelle qui ne pense qu’à la fête, Oronte (Erick Tremblay) le maladroit aux prétentions artistiques, Arsinoé (Milane Ricard) la fausse dévote… Si parfois les comédiens en font un peu trop, on le leur pardonne facilement tant leur enthousiasme est communicatif.

Il est cependant dommage que la représentation se conclue par une transposition un peu maladroite de l’action dans le monde moderne. Bien sûr, les propos de Molière sont toujours d’actualité et on peut dresser d’intéressants parallèles entre les moeurs de la cour du Roi-Soleil et les travers de notre société actuelle, mais était-il bien nécessaire de faire revenir sur scène les acteurs habillés de jeans et de t-shirts à la mode pour "traduire" les vers de Molière en langage moderne?

Jusqu’au 6 avril
Au Bain Saint-Michel
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