Nuit d'Irlande : Tous pour un
Scène

Nuit d’Irlande : Tous pour un

Nuit d’Irlande, un solo de Marie Jones minutieusement réglé par Jean-Guy Legault.

Après avoir donné dans les prouesses physiques et scénographiques, Jean-Guy Legault s’attelle à Nuit d’Irlande, un monologue de Marie Jones d’une grande et appréciable sobriété. Aussi drôle qu’émouvante, la création du Nouveau Théâtre Urbain livre un vibrant plaidoyer pour la fraternité.

Ce solo est bel et bien issu de la plume de cette dramaturge irlandaise qui nous avait offert Des roches dans ses poches, un texte hilarant et incisif sur l’impérialisme culturel de l’oncle Sam. En fait foi la manière très décontractée, en apparence, dont Nuit d’Irlande aborde une grave question sociale, à savoir la terrible scission qui subsiste entre les Irlandais du Nord et ceux du Sud. Une preuve additionnelle: la matière incroyablement dense et mordante que la partition (ingénieusement traduite par le metteur en scène) alloue à l’acteur. Imposant un rythme effréné, de multiples ellipses et d’innombrables changements de personnages et d’états, le monologue est un vrai régal.

Jean-Marc Dalphond, un comédien inexplicablement méconnu, s’engage avec une fougue peu commune dans la vertigineuse trajectoire de Kenneth McCallister, un protestant qui cesse un jour d’endosser l’hostilité des siens envers les catholiques. Devant autant de conviction, le spectateur n’a d’autres choix que de suivre le héros dans sa douloureuse, mais ô combien salvatrice, quête identitaire. Tous les préjugés sont débusqués et leur absurdité est mise au jour. Pour l’occasion, Geneviève Bélisle a imaginé un dispositif scénographique simple et ingénieux et Joël Melançon baigne la représentation d’hymnes patriotiques et sportifs.

Jean-Guy Legault n’a pas tort lorsqu’il déclare que le parcours de Kenneth McCallister, cet homme qui accepte d’être lui-même, c’est-à-dire protestant et irlandais, "fait écho à la situation historique et politique des francophones au sein du Canada". Mais, au-delà de cette métaphore de la résistance culturelle, la pièce de Marie Jones lance un appel à l’inclusion, au partage. Quand les êtres humains cessent de se voir comme des ennemis, toutes les frontières s’abolissent: celles qui délimitent les territoires, mais aussi celles (bien plus insidieuses) qui divisent les citoyens d’un même peuple, d’une même nation.

Jusqu’au 1er avril
À la Salle Fred-Barry
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