Un curioso accidente : Le manège des coeurs
Scène

Un curioso accidente : Le manège des coeurs

Un curioso accidente propose une virée au pays de la comédie enlevante, du rire ensoleillé: c’est l’Italie de Goldoni, assaisonnée par Nancy Bernier.

Giannina, fille unique du veuf Filiberto, et le lieutenant de la Cotterie sont fous l’un de l’autre, tout comme le sont leurs servante et valet. Le lieutenant, désespéré devant l’impossibilité d’épouser celle qu’il aime – il est pauvre -, s’apprête à quitter les lieux. Pour le retenir, et gagner le temps nécessaire pour convaincre Filiberto, Giannina prétend – à l’invitation même de son père – que de la Cotterie est amoureux de son amie Costanza. N’en faut pas plus pour que s’enclenche une comédie rebondissante, où les principaux intéressés, tout comme les spectateurs, vont de surprise en surprise.

De ces ingrédients classiques, Carlo Goldoni a fait une comédie follement amusante, pleine de quiproquos, à l’intrigue ingénieuse. La mise en scène de Nancy Bernier la sert très bien, pimentant l’action d’espièglerie et de vivacité. Tout bouge dans ce spectacle, à commencer par le décor (Bernard White) aux couleurs chaudes, fait de deux plateaux mobiles et d’escaliers. Les mouvements des comédiens, incessants, traduisent de plus la fébrilité des coeurs amoureux, l’agitation de tous les personnages, toujours pressés, toujours courant. Au centre de tout, immobile ou presque, Filiberto, étonnamment calme, sûr de lui et, de toute façon, aveugle à tout ce qui se passe. Signe visible de l’énervement, le mouvement est aussi l’image du tourbillon provoqué, sans le savoir, par Filiberto. À quelques reprises, cependant, un arrêt: dans la pénombre, tout semble suspendu, ou ralenti; souvent très belles, ces pauses marquent un bref moment de réflexion, avant que le manège ne reparte au galop.

Si certains procédés semblent un peu gros et les effets comiques, parfois soulignés, pas de quoi chipoter: on goûte avec plaisir la saveur des personnages, la finesse des dialogues et de plusieurs scènes délicieuses. On est ravi, aussi, par l’entrain de tous les comédiens, talentueux et en grande forme. Jean Guy, dans le rôle du père, est remarquable; l’espièglerie au coin de l’oeil, il campe un Filiberto attachant. Retenons aussi Jean-Sébastien Ouellette, très drôle en amoureux désespéré.

Pleine d’énergie, pétillante, Un curioso accidente séduit et plaît, avec légèreté et intelligence.

Jusqu’au 15 avril
Au Théâtre de la Bordée
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