Jean Marc Dalpé : Un air de famille
Scène

Jean Marc Dalpé : Un air de famille

Jean Marc Dalpé voit sa plus récente pièce, Août – un repas à la campagne, portée à la scène par Fernand Rainville et le Théâtre de La Manufacture.

Après Trick or Treat, un spectacle créé au printemps 1999 et qui connut un immense succès à Montréal et en tournée, Jean Marc Dalpé retrouve le Théâtre de La Manufacture et le metteur en scène Fernand Rainville (à qui on doit notamment le brillant Howie le Rookie), pour une nouvelle création: Août – un repas à la campagne. Afin de discuter de cette pièce aux prémices pour le moins enthousiasmantes (sachez qu’elle sera bientôt publiée aux Éditions Prise de parole), nous avons rencontré le dramaturge dans l’enceinte du Romolo, un café du Mile-End qu’il considère un peu comme son bureau.

Le déclenchement du projet n’est pas des plus banals. Un soir, après une représentation de Trick or Treat, une comédienne approche Jean Marc Dalpé et lui dit: "Bon, quand est-ce que tu vas en écrire une pour nous autres?" C’est ainsi que le dramaturge, romancier, scénariste et poète rompu aux univers masculins, donna naissance à cinq beaux personnages de femmes. "En fait, ça tombait bien parce qu’après Temps dur (il a scénarisé la télésérie diffusée à Radio-Canada en 2005), j’en avais assez de la testostérone." Puis, d’autres paramètres viennent encadrer l’écriture. D’abord, mettre en scène la campagne. Ensuite, composer avec les nombreux membres d’un seul et même clan. Et, finalement, respecter un certain classicisme. "Après avoir beaucoup travaillé sur l’éclatement du temps, les ellipses et les intrigues multiples, j’ai eu envie de m’imposer des contraintes formelles. À partir de la fameuse règle des trois unités (de temps, de lieu et d’action), l’univers s’est créé, les personnages ont commencé à se dessiner et le conflit central est apparu."

L’ANCIEN ET LE NOUVEAU

Ainsi, la pièce dépeint huit personnages appartenant aux quatre générations d’une même famille: Paulette (Janine Sutto), 86 ans, qui a cédé la ferme à sa fille Jeanne (Louise Laprade), 60 ans, mariée à Simon (Pierre Curzi), 57 ans, leur fille Louise (Annick Bergeron), future héritière de la terre, et son mari Gabriel (Henri Chassé), respectivement âgés de 38 et 42 ans, et Josée (un premier rôle au théâtre pour Catherine DeLéan), leur fille de 19 ans. Dans la vieille maison de campagne, un repas se prépare. On attend la visite des "gens de la ville": la soeur de Simon, Monique (Marie Tifo), fin cinquantaine, et André (Jacques L’Heureux), son nouveau fiancé. Dans la chaleur caniculaire du mois d’août, la tension monte sournoisement, l’explosion semble imminente. Non seulement chacun des protagonistes se trouve à un moment charnière de son existence, mais chaque geste est susceptible d’influencer, de manière déterminante, l’avenir des autres. "Personne ne sortira de là indemne. Quand la pièce se termine, leurs vies sont irrémédiablement changées."

À vrai dire, le texte ausculte la chute des idéologies, il expose les déboires d’une famille broyée par la disparition progressive d’un système au profit d’un autre. "C’est un monde en décadence, un monde qui s’autodétruit, qui se désagrège. Tous les personnages sont en perte de repères, à toutes sortes de niveaux." Cela dit, le dramaturge se défend bien d’avoir écrit une pièce à thèse: "J’ai plus envie de parler de mes pièces en termes de conflit qu’en termes de message. Ici, les conflits naissent de l’effondrement d’un univers. Les personnages essaient de définir de nouvelles valeurs en s’accrochant aux vieilles. Ils s’opposent les uns aux autres sur des bases qui ne fonctionnent plus, des rêves qui n’ont plus d’allure. Je ne dis pas qui a raison et qui a tort. Ce qui est intéressant, c’est d’amener le spectateur à réagir à ce conflit."

Du 11 avril au 27 mai
Au Théâtre La Licorne
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