L’homme est un orignal : My generation
Avec L’homme est un orignal, le Théâtre Compulsif présente une pièce abrasive sur le couple contemporain. Rencontre avec l’auteure et la metteure en scène Marianne Moisan.
C’est avant tout à une citoyenne qu’on parle lorsqu’on rencontre la comédienne Marianne Moisan qui, à 28 ans, signe son premier texte dramatique, L’homme est un orignal, "une pièce de théâtre à tableaux avec sept univers parallèles". Si elle peut parler avec précision et passion de son travail, c’est avec autant de verve qu’elle s’emporte autour des sujets sociaux, qui l’entraînent de digression en digression. Mais tout ça se tient, comme elle tient à la notion de responsabilité. "Je me suis rendu compte que, dans ma génération, nous étions pris avec le fait que nos super parents baby-boomers avaient tout foutu à la poubelle, ce qui est très bien car je me sens libre de tout, mais je n’ai pas vraiment de modèle et, autour de moi, les couples durent un ou deux ans. Ça a été le déclencheur. C’est un spectacle qui traite de façon très abrasive des relations de couple et qui fait réagir énormément."
Certaines parties de la pièce ont été présentées au Festival Vue sur la relève, et la troupe en a aussi fait une lecture à la Salle Fred-Barry. C’est là que Marianne Moisan a pu mesurer les réactions du public: "Les gens ne voulaient plus quitter le théâtre et avaient beaucoup à dire, on voyait des gars debout sur leur chaise pour faire entendre leur point de vue. C’était très vivant." Suite à ce succès préliminaire, la troupe a donc décidé d’inviter certains spécialistes de différents horizons à venir débattre après la véritable production du spectacle. Ces gens, dont la sexologue Jocelyne Robert, le psychologue Marc Bolduc et la journaliste Rafaëlle Germain, ont préalablement lu le texte et se sont investis pour alimenter un débat qui sera animé par la journaliste et auteure Ariane Émond.
"En général, le spectacle s’inscrit dans la vague des artistes des 28-32, et je pense entre autres aux Invincibles, mais les babyboomers trouvent également que ça les concerne; certains ont d’ailleurs dit que nous semblions encore plus découragés qu’eux l’étaient. Mais c’est faux, il y a beaucoup d’espoir dans le spectacle." Sur scène, on retrouve quatre jeunes femmes: France Arbour, Véronique Clusiau, Catherine Dajczman, Marianne Moisan elle-même, et un seul homme: Stéphane Franche. "Le propos est évidemment celui d’une génération, mais je crois que ça peut parler à tout le monde", dit l’auteure, en précisant qu’elle ne peut vraiment parler que de ce qu’elle connaît, et d’un point de vue de jeune femme. "C’est plus une réflexion qu’une contestation. Par exemple, il y a un personnage, une petite fille de onze ans, dont le rêve est de devenir une star du porno. Évidemment, ça fait réagir et ça pose des questions sur le choix de nos modèles."
Depuis quelques années, Marianne connaît bien les jeunes grâce à R-Force, une émission composée de capsules qui traite de rêves, de questions, de défis et de problèmes que soumettent des jeunes, et l’équipe s’efforce de les aider pour qu’ils passent à l’action. "Je tourne R-Force à Vrak-tv, et lorsqu’on fait des tournées dans les écoles secondaires, je suis parfois scandalisée de voir des jeunes filles qui n’ont aucune idée de ce qu’elles projettent. C’est notre responsabilité en tant qu’adulte de remédier à la situation."
Parmi les invités du débat, figure également Léa Clermont-Dion, une adolescente de 14 ans engagée dans la sensibilisation à l’hypersexualisation des adolescents. "Peu importe à qui je parle du pornstarisme, tout le monde est d’accord. Sûrement qu’il s’agit aussi d’une affaire de générations, mais quand les adolescents s’insurgent eux-mêmes contre ça, c’est qu’on est allés assurément trop loin. Tout ça influence nos relations de couple, et ça m’inquiète."
Jusqu’au 15 avril
Au Théâtre La Chapelle
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