Jiri Kylian : Natures humaines
Une Soirée Jiri Kylian: c’est ce que nous proposent les Grands Ballets Canadiens de Montréal mardi. La danseuse Rachel Rufer nous parle de l’oeuvre du chorégraphe tchèque.
Originaire de Suisse, Rachel Rufer est première danseuse aux Grands Ballets depuis 2002. Nous l’avons jointe à Détroit, où la compagnie amorçait sa tournée Kylian. "Pour moi, c’est vraiment un cadeau que de travailler sur une soirée Kylian, dit-elle. Premièrement, par la profondeur de ce qu’il veut exprimer. Et puis c’est très agréable à danser. Ça coule."
Forgotten Land, la première pièce au programme, est nouvelle dans le répertoire des Grands Ballets, bien que sa création remonte à 1981. Inspirée de la Sinfonia da Requiem de Benjamin Britten, cette oeuvre présente six couples unis depuis plus ou moins longtemps. Rachel Rufer joue le plus vieux couple, celui vêtu de noir, avec un partenaire qu’elle ne connaît en fait que depuis quelques mois. "C’est comme si on était un couple depuis plus de 25 ans, avec les frustrations que ça peut créer, mais aussi la résignation, et finalement une certaine complicité qui s’installe malgré les difficultés. On ne se quitte pas l’un l’autre, mais je veux partir et il me ramène… Il faut vraiment qu’on soit bien coordonnés pour être capables de montrer ce déchirement et cette violence, parce que si je veux partir et qu’il me ramène sans prendre soin de moi, on ne va pas pouvoir faire le pas suivant."
Dans la deuxième oeuvre, Bella Figura, Kylian se questionne sur l’identité du danseur. Rachel Rufer ne la danse pas, mais elle a vu cette chorégraphie plusieurs fois puisque la compagnie l’a intégrée en 2003. "Je trouve que c’est une pièce magnifique, très touchante, dit-elle. Ça pose plein de questions. Est-ce que le danseur est vrai en costume ou lorsqu’il est nu? Est-ce qu’on est plus sincère et plus vrai sur scène ou quand on est à l’extérieur? Mais essentiellement, je pense que c’est un plaisir visuel. On peut être perturbé par la nudité (hommes et femmes y sont torse nu), mais si le spectateur arrive à s’abandonner à la musique et à ce qu’il voit, il va passer un moment inoubliable."
Le spectacle se termine par une pièce de 13 minutes, inspirée de Mozart et de son apparente frivolité. Six Dances enfile les mouvements comme le musicien enfilait les notes. "C’est extrêmement rapide, s’exclame la danseuse. Sur le moment, on le fait sans s’en rendre compte, mais quand on a fini de danser, on a vraiment mal partout. C’est violent pour le corps, mais je ne sais pas si le spectateur peut le voir parce que finalement, ça coule, comme la musique de Mozart." La mission des danseurs consiste à rester fidèle aux gestes et à la musicalité sans tenter de forcer la note comique dans leur interprétation. "On doit faire rire le public en restant le plus neutre possible", précise-t-elle.
La variété de tons, d’univers et de styles de ce programme devrait permettre au public d’avoir une bonne idée de l’oeuvre de Jiri Kylian, et peut-être de comprendre pourquoi les Grands Ballets ont décidé d’acquérir une sixième pièce de cet important chorégraphe néo-classique.
Le 18 avril à 20h
Au Grand Théâtre
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