Les Châteaux de la colère : Fugue en sol miné
Scène

Les Châteaux de la colère : Fugue en sol miné

Les Châteaux de la colère offre des moments magiques, même si, dans l’art de la fugue, on perd parfois le fil.

Si la metteure en scène Geneviève L. Blais nous a habitués, avec Quelques éclats de verre et Combats, à des propositions théâtrales aventureuses, son adaptation du roman d’Alessandro Baricco, Les Châteaux de la colère, semble au premier abord assez conventionnelle. D’abord le lieu, la Salle Fred-Barry, qui n’est pas un bar ou une ancienne piscine (comme pour les précédents spectacles du Théâtre à corps perdu), contribue à donner des airs plus classiques au travail de recherche de Blais. Ensuite sa distribution, de loin la plus forte, avec des acteurs comme François Bernier, François Bertrand-Prévost, Sharon Ibgui, Karyne Lemieux, Étienne Pilon, Hubert Proulx, Christophe Rapin et Erwin Weche, risquait peu de mettre le texte en danger.

Avec Quelques éclats de verre (d’après Grand et petit de Botho Strauss), Blais devait composer avec une distribution hétéroclite (danseurs et comédiens) et une adaptation très personnelle d’un texte difficile. Le défi, ici, avec ce texte traduit de l’italien par Françoise Brun, reposait essentiellement sur le travail d’adaptation et sur le rythme.

Bien qu’ayant conservé tous les personnages principaux, ainsi que la plupart des passages laissant de fortes impressions poétiques, ou encore ceux soutenant des questions philosophiques, l’adaptation souffre de l’enchaînement des scènes, qui répondent plus à la beauté du mouvement qu’à un exposé logique d’une suite de faits. Ainsi, on conserve le côté polyphonique de l’oeuvre, comme on transmet bien sa trajectoire, ses déplacements, sa poésie. Par contre, si on perd une partie de la logique du récit, on perd aussi sa traction. Malheureusement, malgré la performance des acteurs et la beauté de certaines scènes, malgré un travail soutenu sur le plan du rythme (une évolution marquée par rapport aux spectacles précédents de la compagnie), la pièce s’étire parfois.

La recherche effectuée quant à la musicalité du texte et du mouvement est des plus valables, tout comme la tentative d’amener sur scène un texte littéraire qui, à première vue, est exclusivement de nature romanesque. Aurait-il fallu sacrifier quelques moments magiques et choisir des passages, certes plus prosaïques, qui auraient rendu l’histoire plus efficacement et qui, par conséquent, auraient mieux communiqué les moments de grâce?

Jusqu’au 22 avril
À la Salle Fred-Barry
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