Olivier Choinière : Canaux de communication
Scène

Olivier Choinière : Canaux de communication

Olivier Choinière signe Venise-en-Québec, une épopée touristique que Jean-Frédéric Messier et le Théâtre du Grand Jour portent à la scène.

Finissant en écriture dramatique de l’École nationale de théâtre en 1996, Olivier Choinière est reconnu pour ses remarquables aptitudes de traducteur: Howie le Rookie, Cette fille-là, Tête première. Ce que moins de gens savent, c’est que le jeune homme est également l’auteur d’une quinzaine de textes dramatiques. Avec sa propre compagnie, le Théâtre ARGGL! (Activité répétitive grandement grandement libératrice), il a produit trois "pièces de théâtre d’été urbain de série B" sur la terrasse du Théâtre d’Aujourd’hui – Jocelyne est en dépression, Agromorphobia et Tsé-Tsé – et deux balades urbaines pour un spectateur à la fois – Beauté intérieure et Bienvenue à (une ville dont vous êtes le touriste). Sept ans après Autodafé, Olivier Choinière retrouve le Théâtre du Grand Jour. Avec le Théâtre d’Aujourd’hui, la compagnie dirigée par Sylvain Bélanger produit Venise-en-Québec, une exubérante épopée touristique mise en scène par Jean-Frédéric Messier.

La création de Venise-en-Québec est le résultat d’un long processus. En effet, il y a près de dix ans qu’Olivier Choinière façonne et refaçonne son texte. En 1998, grâce à une bourse de voyage octroyée par la Eva & William Fox Foundation, le dramaturge se trouve à Venise, en Italie, pour en amorcer l’écriture. Troublant, le séjour permet tout de même à l’auteur d’établir de nombreux parallèles entre la ville qu’il visite et celle qu’il invente. "Venise est une ville-musée, une ville qui croit posséder LA culture, mais qui ne vit que de tourisme. On s’y perd facilement. On tourne en rond et on a tout de suite le sentiment d’être étranger." Il faut savoir que les habitants de Venise-en-Québec (non pas la municipalité montérégienne mais bien celle, totalement fictive, où l’action de la pièce se déroule) aspirent à former un pays, à se libérer, à devenir Venise "sans Québec". "En fait, tout prend racine dans le nom de cette ville. Il s’agit d’un prétexte pour explorer une multitude de questions, de clichés et de tabous. Comme les Vénitiens, ceux de la pièce, ne supportent pas l’idée d’occuper la seconde place, ils décident de fonder un empire culturel qui englobe – ou assimile – tous les peuples." Critique du nationalisme québécois, du fédéralisme canadien, de l’impérialisme américain ou de la supériorité française, toutes les lectures sont possibles.

DESTINS FLOTTANTS

Lorsque Barbare (Christian Bégin), un homme de la ville, échoue à Venise-en-Québec après un accident de voiture, les Vénitiens voient en lui un héros, le sauveur qui les mènera à leur terre promise. Chacun des habitants de ce territoire à la dérive, car Venise-en-Québec flotte sur des pneus, a une manière bien personnelle de parler. Lagoune (Simone Chevalot) parle en majuscules; Leccho (Daniel Rousse), bien sûr, en écho; Casanova (Mathieu Gosselin) en sacrant; Nadia (Johanne Haberlin) en chantant; Léo (Vincent Bilodeau) en ponctuant; Traducteur (Yvon Dubé) par maximes, aphorismes et dictons italiens; Blonde (Violette Chauveau) en posant des questions et les Huns (Michel Lavoie et Daniel Rousse) calmement.

Confronté à cette peuplade pour le moins insolite, le spectateur s’identifiera volontiers au personnage de Barbare. Pourtant, bien rares sont ceux qui peuvent prétendre ne ressembler en rien aux Vénitiens, ces amateurs de poutine et de minigolf, ces adeptes du mépris, du racisme et de l’ignorance. "Le Québec, son hésitation constante, c’est celle de Barbare. En même temps, la philosophie des Vénitiens – miser sur le plus bas dénominateur commun – a quelque chose de bien québécois. Si on les considère comme des étrangers, c’est qu’ils représentent une part monstrueuse de nous-mêmes. Est-ce qu’on ressemble vraiment à ça? Je ne sais pas, mais la question est posée."

L’auteur se défend toutefois d’avoir fidèlement radiographié la société québécoise actuelle. "Il y a effectivement un jeu de miroirs avec la question nationale, mais ce n’est pas un portrait du Québec. C’est plutôt une satire de la sempiternelle question de l’identité québécoise, une vision paranoïaque et cauchemardesque du Québec." Olivier Choinière affirme que Venise-en-Québec n’est pas un pamphlet. Malgré tout, il n’est pas contre l’idée que sa pièce déclenche une certaine polémique. "Je souhaite provoquer une réaction, des questionnements, mais je ne décide pas des questions à l’avance. Je considère le spectateur comme quelqu’un d’intelligent."

Du 18 avril au 13 mai
Au Théâtre d’Aujourd’hui
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