Alain Zouvi : Assurance maladie
Scène

Alain Zouvi : Assurance maladie

Alain Zouvi se livre corps et âme au personnage d’Argan, magnifique antihéros du Malade imaginaire de Molière.

Pour une quatrième fois depuis sa fondation en 1951, le Théâtre du Nouveau Monde offre Le Malade imaginaire, l’ultime pièce d’un auteur indémodable: Molière. Carl Béchard en signe la mise en scène. Pour camper le personnage principal, le fameux Argan, figure canonique de l’hypocondriaque chronique, Carl Béchard a fait appel à Alain Zouvi, un comédien qui a défendu le théâtre de Molière à plusieurs reprises. Depuis sa sortie du Conservatoire en 1981, il a été Valère dans L’Avare, Philinte dans Le Misanthrope et même Béralde dans Le Malade imaginaire. Décrocher le rôle d’Argan remplit l’acteur de 46 ans d’une immense gratitude envers son metteur en scène, son art et, bien entendu, ce cher Jean-Baptiste. "Molière est pour moi le symbole même du théâtre. Mon désir de faire du théâtre vient de Molière, que mon père, qui était comédien, m’a fait connaître quand j’étais très jeune. J’avais alors la vision romancée d’être un acteur et de mourir sur scène, comme Molière."

Nos sociétés ont beau subir de profondes mutations, les pièces de Molière semblent toujours aussi actuelles qu’il y a trois siècles. Bien sûr, la surface a pris de l’âge, mais le coeur de l’oeuvre, l’âme des personnages, n’a pas pris une ride. "Les personnages n’ont pas vieilli, estime Zouvi. C’est tellement bien écrit. La nature humaine est si finement décrite. Les personnalités et les traits de caractère sont formidables."

LES MALADIES DE L’ÂME

Joué pour la première fois en 1673, Le Malade imaginaire est une comédie-ballet, un tourbillon au centre duquel se trouve Argan, un père de famille terrorisé à l’idée d’être bien portant. Follement amoureux de ses médecins, il souhaite marier sa fille à l’un d’eux, s’assurant ainsi de toujours avoir un membre du corps médical sous la main. "Argan est un personnage beaucoup plus complexe qu’on ne le pense. Ayant perdu sa première femme, avec qui nous supposons qu’il avait un très beau lien amoureux, il souffre véritablement. La source de sa douleur est une mélancolie, un deuil. Ce profond mal de vivre, il faut le jouer, il faut qu’il soit présent. On le perçoit entre autres dans l’amour qu’il a pour ses enfants. Je n’ai qu’à jouer l’humanité du personnage et, à ce moment-là, tout le comique prend son sens."

Il y a dans la dernière pièce de Molière un discours délicieusement satirique envers la médecine, une dérision qu’il est aisé de transposer aux contestables et parfois même inquiétantes avancées actuelles de la science. "C’est tout à fait actuel, considère Zouvi. Il y a des gens qui sont bourrés de médicaments et qui prennent d’autres médicaments pour soulager les effets secondaires de ces médicaments. Disons qu’on a la prescription facile! Cela dit, la médecine a fait beaucoup de progrès, mais on n’entretient pas le bon rapport avec elle. Le problème n’est pas la douleur, mais bien la source de la douleur. C’est en plein le cas d’Argan. Sa maladie n’est pas seulement imaginaire; avec tous les médicaments qu’il prend et les lavements qu’il recopie, il est stone, complètement gelé."

Loin de retrancher ou d’abréger les ballets, comme plusieurs l’ont fait avant lui, Carl Béchard entraîne sa vaste et talentueuse distribution d’acteurs et de musiciens (Marie-Ève Beaulieu, Mélanie Bélair, Carol Bergeron, Gary Boudreault, Mathieu Campeau, Alexandre Castonguay, Pierre Chagnon, Guillaume Champoux, Patrice Coquereau, Benoît Dagenais, Bénédicte Décary, Pascale Montpetit, Gérard Poirier, Monique Spaziani et Mélanie Vaugeois) dans ce qui s’annonce comme un irrésistible carnaval.

Du 20 au 29 avril à 19h30
Au Théâtre du CNA
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