Août – un repas à la campagne : Point de rupture
Août – un repas à la campagne, la plus récente pièce de Jean Marc Dalpé, est une poignante chronique familiale que Fernand Rainville porte à la scène sans ménagement.
Sept ans après Trick or Treat, Jean Marc Dalpé revient au théâtre avec Août – un repas à la campagne, un texte alliant la nostalgie de Tchekhov à la moiteur obsédante de Tennessee Williams. Conduisant une distribution exceptionnelle, Fernand Rainville parvient à créer un impitoyable crescendo dramatique.
Dès les premières secondes du spectacle, il est clair que quelque chose ne tourne pas rond dans cette famille. De Paulette, l’aïeule, à Josée, l’adolescente, aucune communication véritable ne semble possible. Sur le balcon d’une vieille maison de ferme, les huit membres de cette maisonnée on ne peut plus dysfonctionnelle sont réunis pour partager un repas. Tandis qu’on se prépare à passer à table, la tension monte, la crise approche. En ce troisième jour de canicule, un affrontement doit avoir lieu, une rupture doit se produire, c’est écrit, inévitable. Il y a la lourdeur des silences, la férocité des soupirs, les mensonges que l’on cultive et les rires que l’on force. Ici, quatre générations d’hommes et de femmes sont prisonniers de leur destin, pour ainsi dire rivés à un lopin de terre en friche, à un conjoint qu’ils ont cessé d’aimer, à une époque révolue. On doute qu’un seul de ces individus quitte un jour cette prison sans barreaux.
Jean Marc Dalpé entre avec sensibilité dans la psyché de ses cinq personnages féminins, ce qu’il avait assez peu fait jusqu’ici. Dans la peau de Monique, la seule à s’être partiellement affranchie de son passé, Marie Tifo est tout simplement renversante. Janine Sutto est une grand-mère irrésistible, Louise Laprade, une mère terrifiante, Annick Bergeron, une fille traquée et Catherine De Léan, une adolescente ignorée. Même si Henri Chassé, Pierre Curzi et Jacques L’Heureux font très bonne figure, il faut admettre que les comédiennes, surtout Tifo, Laprade et Bergeron, campent des êtres plus vrais que nature. Ce spectacle, en plus d’émouvoir et d’ébranler les consciences, offre une superbe conclusion à cette saison où La Manufacture célèbre ses 30 ans et La Licorne, son quart de siècle.
Jusqu’au 27 mai
Au Théâtre La Licorne
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